CREED III : chronique

28-02-2023 - 15:46 - Par

CREED III : chronique

Le troisième volet de la nouvelle franchise CREED trouve un second souffle avec l’arrivée derrière la caméra de Michael B. Jordan, armé de ses influences les plus personnelles.

 

Lorsque Michael B. Jordan incarnait Erik Killmonger dans BLACK PANTHER de Ryan Coogler, il ne jouait pas le « méchant » mais « l’antagoniste », nuance importante tant on pouvait comprendre d’où provenaient ses motivations et sa rancœur contre T’Challah et le Wakanda. Profondément affecté par le rôle, l’acteur applique cette science de la complexité en passant derrière la caméra pour CREED III. L’histoire, imaginée par Ryan Coogler, est donc celle d’un face-à-face reprenant le schéma de celui de BLACK PANTHER. Adonis Creed, un homme qui a tout, contre Damian Anderson, un homme qui voudrait tout lui reprendre. À l’origine de cette rivalité, l’impression que le bonheur de l’un s’est fait grâce au malheur de l’autre, comme si, parmi les hommes noirs issus de leur classe sociale où il y a peu d’élus au succès, la place se prenait forcément par un mélange d’ambition mal placée et de chance inexplicable. Petits, Damian et Adonis étaient amis. Le premier, boxeur prometteur, a fini en prison ; le second, qui lui portait son sac, a fini champion du monde des poids lourds. Qui blâmerait Damian de l’avoir mauvaise, surtout quand derrière les barreaux, il n’a jamais reçu une marque de soutien de son meilleur copain ? À l’instar de Rocky dans ROCKY III, Adonis profite de son succès et de son confort matériel. Le retour de Damian est un électrochoc : l’enfance qu’il a vécue, toujours à la limite de la délinquance, lui revient comme un boomerang. Le moment spécifique où leurs destins se sont séparés aussi. La carapace de Creed se fend : sous le poids de la culpabilité, il va aider Damian à être le boxeur qu’il aurait dû être. Mais ça ne va pas assez vite, ce n’est pas assez bien pour l’ancien taulard qui va griller les étapes avec en ligne de mire se venger d’Adonis. En retour, le champion va vouloir défendre ce qu’il estime avoir mérité. Et pourtant, le spectateur sait qu’il l’a un peu volé. C’est là que Michael B. Jordan ne se facilite pas la tâche, mettant au défi le spectateur de l’aimer quand même, de ne pas totalement le lâcher au profit de son ennemi. Cette foi indéfectible dans l’intelligence du public, cette certitude que, malgré toute la force, tout le charme et tout le talent que déploie Jonathan Majors dans la peau de l’ogre Damian, il va rouler pour Adonis révèle un courage épatant chez Jordan. Jonathan Majors a récemment dit en interview que les stars de cinéma comme Michael B. Jordan savaient « plaire autant à la bourgeoisie qu’au prolétariat ». Une manière de dire qu’il est le produit à la fois abordable et inaccessible de la méritocratie. Le courage de Jordan contient un soupçon d’insolence mais toujours au service de son film. Il peut filmer des scènes entièrement dialoguées en langue des signes, changeant soudain le rythme et l’énergie du récit, imposant une vision inclusive du cinéma. Il peut s’inspirer directement des animés, fondement de sa culture de spectateur, recyclant des plans de DRAGON BALL Z ou la spiritualité de NARUTO, dans des combats de boxe où le réalisme établi par le CREED de Ryan Coogler vire soudain à l’expressionnisme le plus spectaculaire. Pour un acteur qui a passé sa carrière à répondre aux désirs des autres, sa mue en décideur est sensationnelle.

De Michael B. Jordan. Avec Michael B. Jordan, Jonathan Majors, Tessa Thompson. États-Unis. 1h57. En salles le 1er mars

Note : 4/5

 

 

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