WOMEN TALKING : chronique

07-03-2023 - 11:43 - Par

WOMEN TALKING : chronique

Film de discours, WOMEN TALKING vit de la réalisation précise de Sarah Polley et des interprétations intenses de ses actrices.

 

« Sans mots pour exprimer, il n’y a que le silence. Et là résidait l’horreur », explique l’une des protagonistes de WOMEN TALKING en voix off. À l’instar d’un mouvement mondial qui a vu la parole de femmes victimes de tous types de harcèlements et de violences se libérer, la réalisatrice canadienne Sarah Polley offre la possibilité à ses personnages de parler. De mettre des mots sur leurs souffrances et leur colère. De les exprimer sans entrave. De débattre. Cette discussion a une importance vitale pour elles : membres d’une communauté autarcique, elles ont été victimes d’agressions nocturnes. Les hommes ont bien essayé de mettre ça sur le dos du démon. Mais un jour, deux adolescentes prennent un des bourreaux la main dans le sac : sur plusieurs années, elles ont été en réalité droguées, puis violées dans leur sommeil. Elles délèguent alors à une poignée d’entre elles le soin de trancher. Doivent-elles pardonner ? Rester et se battre ? Ou partir ? Adapté d’un roman de Miriam Toews (« Ce qu’elles disent ») tiré lui-même de faits réels survenus dans les années 2000 au sein d’une colonie mennonite bolivienne, WOMEN TALKING impose immédiatement son désir d’intemporalité. Où est-on ? Quand ? Impossible de le déterminer de prime abord. Ce n’est qu’au fil du récit que la scénariste et réalisatrice éparpille des indices puis des informations plus claires sur l’époque des faits. Un subtil exercice de brouillage des pistes qui permet au film de gagner en ampleur et en universalité. WOMEN TALKING n’a pas besoin d’être situé car ce dont Sarah Polley parle ici se déroule depuis toujours, partout dans le monde. D’un dispositif aride et d’un récit forcément très bavard et théorique où s’entrechoquent les notions de résilience, de miséricorde, de foi, de révolte, de collectif et d’individualité, de virilité et de féminité, d’éducation et de déterminisme, la cinéaste parvient, sans qu’en apparaissent les coutures, à bâtir un véritable spectacle intimiste. Si la colorimétrie, désaturée au point de friser le noir et blanc, met à distance et dessèche parfois le film, la mise en scène, le découpage et le montage, eux, se révèlent d’une grande précision. Polley parvient toujours à mettre l’accent au moment opportun sur telle émotion ou réplique, afin d’élargir constamment le spectre d’idées qu’elle aborde. Le tout, avec nuances. Là, ses actrices se révèlent essentielles, qu’elles évoluent dans la rage ou la douceur. L’intensité de Claire Foy et Jessie Buckley, mais aussi l’élégance de Ben Whishaw, seul homme de la distribution, assurent à WOMEN TALKING d’être perpétuellement captivant.

De Sarah Polley. Avec Rooney Mara, Claire Foy, Jessie Buckley. États-Unis. 1h45. En salles le 8 mars

Note : 3/5

 

 

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