LUTHER – SOLEIL DÉCHU : chronique

07-03-2023 - 11:46 - Par

LUTHER - SOLEIL DÉCHU : chronique

Neil Cross transforme malicieusement la dynamique de LUTHER et opte pour un polar ultra-sombre et efficace, aux enjeux exacerbés.

 

Même lorsque les équipes créatives restent les mêmes, les adaptations filmiques de séries peinent souvent à convaincre – X-FILES et SEX AND THE CITY en cas d’école. Neil Cross, créateur de LUTHER et scénariste de son portage cinéma, a l’intelligence de ne pas essayer de faire sur deux heures ce qu’il faisait sur quatre ou six. LUTHER : SOLEIL DÉCHU ne cherche donc pas tant à s’appuyer sur un récit détaillé, aux multiples pistes soigneusement creusées, qu’à imposer un récit plus ample, linéaire et direct comme une poursuite, aux enjeux décuplés, à l’atmosphère marquée et encore moins naturaliste que celle de la série. SOLEIL DÉCHU ne met pas longtemps à convaincre de son efficacité : quelques minutes suffisent pour que l’on retrouve avec plaisir, voire excitation, la montagne Luther, personnage fascinant, dansant perpétuellement sur le fil de la légalité, voire du Bien et du Mal. Idris Elba l’incarne toujours avec la même conviction brute, la même élégance à la fois virile et fragile. SOLEIL DÉCHU a un grand mérite, dès le premier acte : il solde tous les comptes et opère un basculement dramaturgique de taille dans la mythologie de LUTHER. Enfin mis devant ses responsabilités et ses actes, le flic est jugé et emprisonné, confondu par un dossier accablant fourni anonymement aux autorités par David Robey (Andy Serkis, parfait dans un rôle gluant de malfaisance), riche businessman lié à de mystérieux enlèvements sur lesquels Luther enquêtait. Ainsi, le film change radicalement de dynamique : exit l’épée de Damoclès qui pesait sur le héros depuis le début de la série. Évidemment, Luther ne va pas rester longtemps en prison, il s’évade et se retrouve traqué, mais cette cavale bouscule tout de même les habitudes de la série. Là, SOLEIL DÉCHU échafaude une trame particulièrement prenante où l’enquête de la police et celle de Luther s’observent, puis entrent en collision et, par moments, se complètent. Pour mettre en scène cet univers, où Londres se transforme en néo-Gotham de verre et où Luther et Robey seraient tels Batman et Joker, Jamie Payne (habitué du petit écran, il avait réalisé la saison 5 de LUTHER) effectue un travail particulièrement soigné, qu’il s’agisse des compositions, du travail sur la lumière ou sur l’action – une baston en prison, lisible et brutale. Sans compter un tournage en grande partie en décors naturels qui achève de rendre LUTHER : SOLEIL DÉCHU tout à fait organique, en dépit de son intrigue hyperbolique lorgnant plus vers le polar scandinave que le socio-réalisme anglais. C’est suffisamment rare pour être verbalisé : vivement la suite.

De Jamie Payne. Avec Idris Elba, Andy Serkis, Cynthia Erivo. Grande-Bretagne. 2h09. Sur Netflix le 10 mars

Note : 4/5

 

 

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