PETER PAN & WENDY : chronique

28-04-2023 - 09:04 - Par

PETER PAN & WENDY : chronique

David Lowery évite le décalque de l’animation Disney et relit le conte à l’aune de son cinéma. Dans la pure lignée de HOOK, PAN et WENDY (c’est un compliment).

 

Wendy se saisit d’une longue-vue, observe au loin en quête du navire des pirates, mais ne voit rien. « Tu ne regardes pas comme il faut », lui explique un Garçon Perdu. Cette réplique, on l’adressera à la plupart des réalisateurs chargés des remakes live des animations Disney. Contrairement à eux, David Lowery regarde comme il le faut : après PETER ET ELLIOTT LE DRAGON, il réussit de nouveau avec PETER PAN & WENDY à saisir la substance du matériau qu’il relit, tout en le modifiant à l’image de son propre cinéma. Les premiers instants de PETER PAN & WENDY jouent néanmoins le maniérisme : les enfants Darling s’amusent, quelques détails rappellent le PETER PAN des studios Disney – l’ourson en peluche et la grenouillère de Michel ; le haut de forme de Jean ; leurs épées en bois. Loin d’être vains, ces rappels font office de stimuli. Comme une fragrance logée dans notre mémoire, ils invoquent instantanément des souvenirs d’enfance et servent autant le propos que l’intention de Lowery. Car le décalque ne l’intéresse pas, simplement ce qu’il peut raconter grâce à Peter Pan : le passage du temps. Une thématique centrale de son cinéma qui, ici, trouve des corollaires comme autant de nouvelles nuances – le deuil de notre enfance, le refus de la nostalgie, la nécessité de voir dans le futur un bonheur possible. À ce titre, PETER PAN & WENDY apparaît comme un jumeau en négatif de THE GREEN KNIGHT, son précédent film, où le passage du temps baignait dans la terreur et la mort. PETER PAN & WENDY, lui, offre un regard d’adulte apaisé sur ces peurs et trouve le parfait équilibre entre la magie et le réel. Maîtrisant à la fois l’artifice et le naturalisme, entre décors organiques et construits, effets pratiques et CGI, PETER PAN & WENDY se départ de bien des recettes du cinéma familial actuel. Jusqu’à se permettre des images dures et évocatrices (une chute dans le vide) ou étranges (une ombre naviguant en subjectif tel un esprit sorti d’EVIL DEAD), et quelques saillies expressionnistes terrassantes – l’entrée à Neverland ; les montages qui accélèrent le temps, typiques de A GHOST STORY et THE GREEN KNIGHT. En imposant son empreinte thématique et esthétique, David Lowery revisite le conte, qui apparaît ici plus ambigu, complexe et subtil. Il lui insuffle une grande modernité, de représentation inclusive, de mise en scène (le travail sur le grand angle est remarquable de sens ; les chansons revêtent des atours folk et pop), mais aussi une nouvelle jeunesse. Le récit s’intéresse davantage à Wendy, indépendante et volontaire ; il invente un passif pour Peter, plus arrogant, et Crochet, plus touchant. Il s’en dégage une grande liberté, une joie exaltante, mais aussi bouleversante, de la magie et du spectacle. Ce que tous les ‘films familiaux’ devraient être, s’ils savaient regarder comme il faut.

De David Lowery. Avec Ever Anderson, Alexander Molony, Jude Law. États-Unis. 1h46. Sur Disney+

 

Note : 4/5

 

 

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