Cannes 2023 : OMAR LA FRAISE / Critique

20-05-2023 - 13:00 - Par

Cannes 2023 : OMAR LA FRAISE / Critique

D’Elias Belkeddar. Sélection officielle, Séance de minuit.

 

OMAR LA FRAISE est très fort de ses fulgurances comiques mais sa réussite va au-delà. Absolument épatant, d’autant plus pour un premier long-métrage.

Mais pourquoi l’appelle-t-on Omar « la Fraise » ? Le surnom de cette figure du banditisme, condamnée à 20 ans de prison en France, a bien des origines selon qui en raconte la légende. Son copain Roger a une version pour chaque circonstance, mais comme pour ces deux-là, c’est à la vie à la mort, il détient sûrement la vérité – même si toutes sont à peu près vraies. Toujours est-il qu’en Algérie, là où ils sont réfugiés pour échapper à la taule, Omar et Roger doivent faire profil bas et oublier la violence qui rythmait leur vie. En gros, c’est la déprime, à l’image du palais, gigantesque mais chichement meublé, dans lequel ils vivent. Sur les conseils de son avocat qui veut réinsérer son client, Omar devient gérant d’une biscuiterie. Il y rencontre une fille avec un caractère bien trempé, aussi filoute que lui. Finalement, Alger, il pourrait bien s’y faire. Dire que OMAR LA FRAISE est son récit d’apprentissage, ce ne serait pas mentir. Car l’histoire, c’est bien la sienne, et l’Algérie est filmée comme lui la voit. Alger a-t-elle déjà été racontée aussi crûment, violemment et pourtant avec autant de poésie ? Ralentis élégants, soleils rasants, ruelles chaleureuses : c’est peut-être le premier long-métrage d’Elias Belkeddar, coscénariste d’ATHENA de Romain Gavras, mais c’est surtout la preuve que sa caméra dégage des émotions fortes. Une grande partie du succès du film, c’est de parvenir à imposer, dès l’introduction sous forme d’une longue discussion un peu débile filmée en plan séquence dans les dunes maliennes, ses deux personnages. Qu’ils aient le nez dans la schnouf ou qu’ils s’embrouillent en boîte de nuit, Omar et Roger forment l’un des duos comiques les plus iconiques que le cinéma français ait connu depuis longtemps, un peu comme si le stoner movie ou le slacker movie, typiquement américains, avaient fait un gosse franco-algérien un peu plus doué qu’eux. D’un côté, la nonchalance inestimable de Reda Kateb (trésor de notre cinéma) en sale gosse capricieux, de l’autre, la puissance rock’n roll de Benoît Magimel en roublard et ami fidèle : jamais parodique mais puisant toujours dans l’écriture fantastique de ses personnages, l’humour est d’autant plus fulgurant qu’il vient, toujours inattendu, d’une réplique bien sentie ou d’un coup de génie de l’un des deux comédiens. Même si OMAR LA FRAISE s’affiche comme un film de gangsters, il lui est impossible de cacher son cœur chamallow car il est aussi une comédie romantique et un buddy movie dévastateur. Si les films de la compétition cannoise ne devaient pas assumer un certain rôle politique – ce que n’endosse OMAR LA FRAISE qu’à un niveau esthétique –, il aurait eu toute sa place parmi les grands. On découvre ici un sacré metteur en scène.

De Elias Belkeddar. Avec Reda Kateb, Benoît Magimel, Meriem Amiar. France. 1h32. En salles le 24 mai

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.