Cannes 2023 : LE SYNDROME DES AMOURS PASSÉES / Critique

20-05-2023 - 16:31 - Par

Cannes 2023 : LE SYNDROME DES AMOURS PASSÉES / Critique

De Ann Sirot et Raphaël Balboni. Semaine de la Critique.

 

Après le très étonnant UNE VIE DÉMENTE, Ann Sirot et Raphaël Balboni confirment toute l’élégance farfelue de leur cinéma avec ce second long qui dynamite avec brio le couple.

C’est rare la naissance de cinéastes dont on est quasi certains qu’ils ne ressemblent qu’à eux. En deux long-métrages, Ann Sirot et Raphaël Balboni ont déjà un univers. Ou plutôt une façon de regarder le monde de travers. Dans UNE VIE DÉMENTE – merveille passée, hélas, peut-être un peu trop inaperçue ici en France –, les deux Belges racontaient comment un couple survit à l’intrusion dans leur quotidien de la mère malade du conjoint. Un sujet lourd traité avec une forme de vitalité burlesque, d’humanité triomphante qui embrassait la maladie mentale, la vieillesse comme une étape de la vie. Une forme de loufoquerie douce où la comédie et le drame s’épaulent. LE SYNDROME DES AMOURS PASSÉES retrouve cette grâce.

Tout part à nouveau d’un dérèglement : Rémy et Sandra s’aiment mais n’arrivent pas à avoir un enfant. Le film alors de pousser très vite cette situation tristement banale vers l’absurde. En quelques minutes, le médecin est formel : ils sont atteints du syndrome des amours passées. Le poids des ex, en somme, avec lesquels il faut re-coucher pour espérer guérir. L’idée est loufoque mais soudain, soyons honnête, à y réfléchir, elle éveille en nous des zones d’ombres, des abîmes, des fous rires, des vertiges de l’amour que le film va s’ingénier à explorer. Rémy et Sandra partent donc en quête de leurs ex. Et déjà là, quelque chose coince : tandis que Rémy peut largement compter les siennes sur les doigts d’une main, la liste de Sandra s’allonge. Vertige. Aimer l’autre, est-ce aussi aimer son passé ? Première question, parmi les nombreuses que le film effleure et dissémine tout au long de cette odyssée de l’intime. Le sexe dit-il quelque chose de nous ? Le désir est-il différent de l’amour ? Le corps de l’autre nous appartient-il ? Une succession de vertiges sentimentaux que le film embrasse avec un mélange de comédie et de drame judicieux. Avec cette façon singulière d’être constamment au bord de la fable et du réalisme, LE SYNDROME DES AMOURS PASSÉES interroge profondément le statut et les valeurs du sacro-saint couple. Fragile parce que délicat, le film tient grâce à la justesse de son duo (Lucie Debay, plus mélancolique et Lazare Gousseau, très drôle en étalon inquiet), à la façon de faire de chaque scène, chaque rencontre une sorte de crise douce où chacun tente de faire ce qu’il peut. Si l’esthétique poétique des scènes de sexe tient peut-être un peu de la coquetterie auteuriste, la dernière partie du film, étonnante et émouvante, conclut le film avec une grande intelligence. Un film comme des portes ouvertes pour simplement laisser entrer l’air et rafraîchir peut-être nos idées.

De Ann Sirot et Raphaël Balboni. Avec Lucie Debay, Lazare Gousseau, Florence Loiret-Caille. Belgique/France. 1h29. Prochainement

 

 

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