Cannes 2023 : HOW TO HAVE SEX / Critique

19-05-2023 - 15:15 - Par

Cannes 2023 : HOW TO HAVE SEX / Critique

De Molly Manning Walker. Sélection officielle, Un Certain Regard.

 

Cet AMERICAN PIE britannique troque rapidement sa bonhomie et ses blagues de cul pour un constat sans appel sur le consentement et la sexualité performative.

Trois adolescentes anglaises prennent la tangente vers une station balnéaire grecque, passer une semaine de fiesta et peut-être enfin connaître le moment fatidique du dépucelage. Rien ne peut saper leur enthousiasme : elles sont surexcitées par leur chambre austère, par les cocktails dilués, par les garçons et les filles à peine bien gaulés… Sexy en diable, insouciantes et prêtes à en découdre avec l’alcool et la drague, elles sifflent, depuis leur balcon, leurs voisins d’hôtel, des Britanniques venus comme elles à Malia pour des vacances délurées. Elles se préparent à sortir avec eux, plus âgés. Au fil d’un rimmel savamment appliqué ou d’un soutif bien remonté, leur regard rivé dans leur reflet, se font jour des insécurités, un jugement plus intransigeant sur leur physique. Vont-elles plaire ? Et à qui ? Suffisamment ? Elles s’habillent, parlent et se comportent comme des femmes qui veulent et aiment le sexe, mais où ont-elles appris cela si ce n’est dans cette imagerie qu’elles singent, cette imaginaire de la teen comédie, qui fleurissait alors qu’elles n’étaient même pas nées, et que Molly Manning Walker se plaît à utiliser, exploiter puis rapidement subvertir. Même si les Anglais et les séjours dévergondés sur les côtes d’Europe, c’est une culture, impossible de ne pas voir le désastre sexuel et sexiste qu’a pu provoquer les images du Springbreak dans la tête des teenagers en goguette chez les illustres cousins des Américains. Dans des piscines ou sur des podiums, on mime des fellations aux senteurs de vodka, avec l’injonction, sous peine d’être un ou une coincée, de trouver ça drôle. Au-delà de montrer le ravage de la culture du viol ou des images pornographiques sur l’apprentissage sentimental et sexuel des filles, Molly Manning Walker explique aussi l’enrôlement passif, inconscient, irréfléchi des garçons dans cette culture. HOW TO HAVE SEX est une orgie festive jusqu’à ce que certains de ses héros adolescents admettent que tout va trop loin. Une sorte de sortie de corps cinématographique où les visages s’assombrissent, où les jambes et les bustes se figent, où le langage s’assagit. Soudain, on couche en consentant mais sans consentir vraiment. C’est de cette zone de gris si familière des adolescentes dont veut parler la réalisatrice, au-delà des raccourcis des cours d’éducation sexuelle qui enseignent le noir ou le blanc. Molly Manning Walker s’adresse directement aux enfants et leur inculque déjà toutes les nuances, toutes les dynamiques de pouvoir qui compliquent la relation sexuelle, alors que les adultes, la société post-#MeToo, la libération de la parole peinent encore à les verbaliser. Dotée d’une empathie bouleversante, d’une caméra intime, toujours respectueuse, jamais indiscrète, la réalisatrice nous met dans les pompes d’une jeune fille qui a compris, à la dure, son statut de femme, sa force et sa fragilité, en une semaine à l’étranger alors qu’elle était juste venue pour s’amuser. Le premier long de Molly Manning Walker nous a pris, nous aussi, de court. C’est époustouflant.

De Molly Manning Walker. Avec Mia McKenna-Bruce, Samuel Bottomley, Lara Peake. Grande-Bretagne. 1h28. Prochainement

 

 

 

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