Cannes 2023 : SIMPLE COMME SYLVAIN / Critique

19-05-2023 - 09:16 - Par

Cannes 2023 : SIMPLE COMME SYLVAIN / Critique

De Monia Chokri. Sélection officielle, Un Certain Regard

 

L’amour est-il toujours à la hauteur ? Monia Chokri dissèque les zones d’ombre du coup de foudre avec une drôlerie et une intelligence redoutables. Irrésistible !

Raconter les histoires autrement c’est voir le monde différemment. Simple, basique. Mais avec son troisième long métrage, Monia Chokri en fait la démonstration féministe éclatante. L’histoire de SIMPLE COMME SYLVAIN, on la connaît. Une femme en couple, bourgeoise cultivée qui s’ennuie un peu, tombe irrésistiblement sous le charme de l’ouvrier bourru qui répare son chalet dans les bois. Ils ne sont pas faits pour s’aimer mais pourtant… Simple non ? Non, contrairement à ce que le cinéma nous a raconté depuis des années. Relecture féministe tantôt hilarante, tantôt cruelle du TOUT CE QUE LE CIEL PERMET de Douglas Sirk, SIMPLE COMME SYLVAIN regarde le monde à travers les yeux et le corps de son héroïne, Sophia. Et soudain tout change. À travers elle, Monia Chokri se joue des clichés, donne au fantasme une dimension à la fois érotique et burlesque qui rend chaque scène profondément juste et humaine. Magalie Lépine Blondeau (déjà formidable dans LAURIER GAUDREAULT de Dolan) et Pierre-Yves Cardinal (vu dans TOM A LA FERME) forment un couple maladroit, touchant, à la fois torride et gauche dont le chemin amoureux a des allures de romcom. 

Mais l’intelligence de Monia Chokri pousse le récit un peu plus loin. Tomber amoureuse, oui et après ? En refusant d’enfermer son héroïne dans les présupposés romantiques du genre (le mythe du grand amour), Monia Chokri libère le regard. Ni Emma Bovary, ni Julia Roberts, son héroïne ressemble plus à la Julie en 12 chapitres de Joachim Trier, un personnage qui doute, s’inquiète, tangue et dont on ressent profondément toute la complexité, grâce notamment à une mise en scène très aboutie qui n’hésite pas à imprégner l’image des sentiments. Terriblement cruel quand il évoque le conflit de classe amoureux, le film échappe constamment – et avec une grâce assez rare – au cynisme ou à la naïveté. Monia Chokri regarde l’amour en face – de ses grands moments qui filent des papillons à toute la violence, le chagrin, le mal que ça peut faire. Ne donne aucune leçon, ne juge personne. Et forcément, le regard s’ouvre et le film agit comme un miroir. On n’avait jamais vu cette histoire-là, aussi bien racontée, comme ça.

De Monia Chokri. Avec Magalie Lépine Blondeau, Pierre-Yves Cardinal, Francis-William Rhéaume. Québec. 1h50. Prochainement

 

 

 

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