Cannes 2023 : THE NEW BOY / Critique

19-05-2023 - 18:15 - Par

Cannes 2023 : THE NEW BOY / Critique

De Warwick Thornton. Sélection officielle, Un Certain Regard

 

L’un des rares réalisateurs aborigènes est de retour à Cannes, quatorze ans après avoir reçu la caméra d’or pour SAMSON & DELILAH, avec un film virulent sur l’évangélisation des populations autochtones d’Australie.

La première image de THE NEW BOY représente un jeune et frêle garçon aborigène (Aswan Reid, dans son premier rôle) ayant pris l’ascendant sur un policier blanc de trois fois sa taille pendant une bagarre en plein désert. Un autre cavalier, aborigène lui aussi, vient interrompre la rixe mais l’enfant s’enfuit… juste avant d’être arrêté d’un coup de boomerang. Plus tard, il sera mis dans un sac de jute et traîné par un officier jusqu’à un orphelinat catholique, en plein bush. Sœur Eileen (Cate Blanchett) l’accueille volontiers et devant l’abus de pouvoir évident dont l’adulte fait preuve, menace de le cogner et le fait déguerpir. C’est qu’elle a l’air plutôt rock’n’roll – à moins qu’elle ne soit juste complètement alcoolique. Au garçon, qui comprend l’anglais mais refuse obstinément d’ouvrir la bouche, elle montre un lit. Peu habitué au confort occidental, il dormira dessous et à l’abri, il frottera ses mains, fera apparaître une lueur, comme un feu follet. Sans patronyme et jusqu’à ce qu’il se fasse baptiser, on l’appellera « le nouveau », car il est le dernier venu du dortoir regroupant d’autres enfants aborigènes. Sa spiritualité et ses évidents pouvoirs vont progressivement effrayer l’orphelinat. Sa résistance aux règles catholiques, son mutisme, ses blasphèmes innocents, sa manière de regarder le grand Christ de l’Église comme un homme et non comme l’objet d’adoration, bouleversent totalement la structure religieuse qui, si elle l’a d’abord accueilli, va petit à petit le rejeter. Sœur Eileen ne sait pas s’il est un miracle ou si Satan l’a créé. Il y a quelque chose de Peter Pan dans THE NEW BOY, par ce personnage de toute évidence gentil mais étrangement inquiétant par le chaos qu’il provoque et l’influence néfaste qu’il peut avoir. Il est, lui aussi, un lost boy refusant d’adhérer à un autre monde que le sien. Montré par Warwick Thornton comme un enfant sauvage, doté d’une aura et d’une intelligence supérieures aux Blancs et même à ses frères adoptifs, il est le mysticisme que la religion, rivée à ses textes, ne peut concevoir et tente donc de combattre et de dominer. Cate Blanchett incarne une Sœur Eileen aveuglée par la piété, qui, sous son apparente ouverture, représente toute la violence évangéliste. C’est un rôle atypique et retors pour l’actrice, ici productrice également. Le point de vue sans concession de Warwick Thornton sur l’éradication de la culture aborigène doublé d’un règlement de comptes sévère avec l’Église se combine à la puissance de production et d’incarnation de l’actrice australienne pour qu’au final, THE NEW BOY soit film d’une portée politique radicale.

De Warwick Thornton. Avec Cate Blanchett, Aswan Reid, Tyler Rockman Spencer. Australie. 1h50. Prochainement

 

 

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