Cannes 2023 : FIREBRAND – LE JEU DE LA REINE / Critique

22-05-2023 - 22:48 - Par

Cannes 2023 : FIREBRAND – LE JEU DE LA REINE / Critique

De Karim Aïnouz. Sélection officielle, compétition

 

FIREBRAND – LE JEU DE LA REINE s’ouvre sur un carton affirmant sensiblement que l’Histoire n’est racontée que par le biais des hommes et de la guerre, et que pour le reste il est nécessaire de faire preuve d’une certaine imagination. Pour son premier long métrage en langue anglaise, le cinéaste brésilien Karim Aïnouz, auteur du grandiose LA VIE INVISIBLE D’EURIDICE GUSMAO, adapte le roman d’Elizabeth Fremantle, « The Queen’s Gambit », qui revient librement sur la vie de la sixième et dernière femme d’Henry VIII. Si le film reprend les grands moments historiques de la fin du règne du Tudor, du retour de sa campagne française à sa mort, il cherche surtout à donner corps et âme au récit de la vie de Catherine Parr. Une réformatrice, une agitatrice (comme le souligne le titre anglais « FIREBRAND ») qui tente de survivre, façon partie d’échecs mortelle, dans une Angleterre agitée par une crise de foi et un roi malade aux accès de colère paranoïaque. Slalomant entre son époux rendu fou par la douleur de sa jambe ulcérée et par le climat conspirationniste qui l’entoure et les hommes de la cour partagés entre la peur de passer au fil de l’épée et l’ambition personnelle, elle cache sous un visage impassible, une force de vie et de survie dont la compassion n’est pas exclue. Alicia Vikander, royale, et Jude Law, en ogre monstrueux, tout en vents contraires entre la mesure et l’outrance, mènent parfaitement le bal d’un long métrage à l’ambition visuelle puissante. D’un apparent classicisme, par sa volonté de reconstitution précise de l’époque, Karim Aïnouz impose à son film un filtre parfois « fabuleux » lorsqu’il montre une nature inféodée à la violence des hommes et traverse le traditionnel film en costumes d’éclairs de contemporanéité bien sentis. Visuellement LE JEU DE LA REINE oscille entre des tableaux de Jan Van Eyck et du Caravage, transformant son héroïne Catherine Parr, en modèle et muse d’une rebellion qui aurait infusé depuis cinq siècles. Si ce nouveau long métrage ne parvient jamais à être aussi saisissant et émouvant qu’EURIDICE GUSMAO, Karim Aïnouz n’a pourtant pas perdu son âme en quittant son Brésil. Au contraire, ce JEU DE LA REINE est dans la stricte continuité de son long métrage de 2019, le cinéaste poursuivant la trace de son cinéma anti-patriarcal. Il donne ainsi à voir et à comprendre la folie d’un monde qui normalise et neutralise les violences faites aux femmes et donne à ces dernières, quitte à s’arranger un peu avec l’Histoire (ou à « l’imaginer » comme le rappelait le carton d’ouverture), l’occasion de faire résonner à travers les âges leur intelligence et leur puissance. Par sa caméra, Catherine Parr devient une héroïne contemporaine et son JEU DE LA REINE, une véritable odyssée féministe avant le verbe.

De Karim Aïnouz. Avec Alicia Vikander, Jude Law, Eddie Marsan, Sam Riley. Grande-Bretagne. 2h00. Prochainement

 

 

 

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