Cannes 2012 : LES CHEVAUX DE DIEU / Critique

19-05-2012 - 17:30 - Par

De Nabil Ayouch. Sélection officielle, Un Certain Regard.


Synopsis : Yassine a 10 ans lorsque le Maroc émerge tout juste des années de plomb. Sa mère, Yemma, dirige comme elle peut toute la famille. Un père dépressif, un frère à l’armée, un autre presque autiste et un troisième, Hamid, petit caïd du quartier et protecteur de Yachine. Quand Hamid est emprisonné, Yachine enchaîne les petits boulots. Pour les sortir de ce marasme où règnent misère, violence et drogue, Hamid, une fois libéré et devenu islamiste radical pendant son incarcération, persuade Yachine et ses copains de rejoindre leurs « frères ». L’Imam Abou Zoubeir, chef spirituel, entame alors avec eux une longue préparation physique et mentale. Un jour, il leur annonce qu’ils ont été choisis pour devenir des martyrs…

Qu’est-ce qui peut mener des jeunes gens à s’enrôler dans le djihad et un destin de martyr ? C’est le questionnement central du nouveau film de Nabil Ayouch (MEKTOUB, WHATEVER LOLA WANTS), un sujet délicat, terriblement glissant, qui aurait pu donner lieu à un long pensum moralisateur et/ou une démonstration maladroite. Mais c’est sans compter l’intelligence d’Ayouch, qui débute son film par une longue introduction couvrant quasiment la moitié du métrage, et présentant les vies de deux frères, Yachine et Hamid – campés par deux acteurs amateurs prodigieux et frères dans la vie également, Abdelhakim Rachid et Abdelilah Rachid. Deux enfants puis jeunes hommes radicalement opposés, l’un plutôt timide, effacé et souffre douleur, l’autre plus assuré, violent et porté sur les petits trafics. Le cinéaste prend ainsi le temps de disséquer leur personnalité, leur environnement, en un envoûtant tourbillon narratif d’anecdotes anodines ou signifiantes, et créer ainsi le décalage entre ce qu’ils sont dans leur for intérieur, et ce que le fondamentalisme fera d’eux. Bien sûr, la misère dans laquelle ils sont confinés au sein du bidonville de Sidi Moumen a fort à faire avec la façon dont ils vont être récupérés par les extrémistes, mais jamais Nabil Ayouch ne sombre dans l’écueil du déterminisme social, appuyant son propos davantage sur la sournoiserie de l’extrémisme religieux, et la façon dont il manipule les faiblesses pour en tirer partie. Mais surtout, le cinéaste ne fait pas des futurs jeunes martyrs des robots lobotomisés, et leur libre arbitre continue d’affleurer jusqu’au moment fatidique, lors d’une scène finale bouleversante. Surtout, en choisissant de romancer le destin des jeunes terroristes ayant provoqué la mort de 42 personnes lors des attentats de Casablanca du 16 mai 2003, Ayouch a l’opportunité de se pencher davantage sur l’humain que sur le phénomène global du terrorisme. Alors, si LES CHEVAUX DE DIEU n’apporte pas de réponse ou d’analyse inédite sur le fondamentalisme et le terrorisme, il livre un regard personnel et intime, qui ébranle durablement le spectateur.

De Nabil Ayouch. Maroc. Prochainement

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