DUNE – DEUXIÈME PARTIE : chronique

25-02-2024 - 18:19 - Par

DUNE – DEUXIÈME PARTIE : chronique

Denis Villeneuve mène à bien tout ce qu’il avait patiemment mis en place dans DUNE et aboutit à un grand spectacle dérangé et inquiet.

 

Le cinéma de Denis Villeneuve se construit depuis ses débuts sur une friction entre l’ampleur et le naturalisme. Là vibre son désir de donner vie, d’une part, à des univers de grand écran de par leur échelle et leur souffle, et d’autre part, à un cinéma ne s’affranchissant jamais du réalisme. À mesure que le cinéaste a vu sa carrière grandir, du Québec à Hollywood, de projets intimistes aux grands barnums, le rapport de force qui régit cette friction s’est modifié : auparavant, Villeneuve semblait devoir se battre pour insuffler de l’ampleur au naturalisme. Désormais, il risque d’étouffer le naturalisme sous l’ampleur. DUNE 2, à ce sujet, ne pourrait s’avérer plus remarquable d’équilibre. Car ici, peu importe les mondes et environnements que sa caméra visite, peu importe la grandeur des décors, l’infini de l’horizon, la bizarrerie des créatures, le gigantisme des scènes d’action, tout reste en permanence palpable et organique. Comme si DUNE 2 inventait son propre naturalisme et, à l’écran, retranscrivait au plus près la réalité physique des planètes Arrakis ou Giedi Prime. Là, le travail du chef opérateur Greig Fraser se révèle essentiel. Déjà dans THE BATMAN, ses lumières, bien que très souvent stylisées (la boîte de nuit, la poursuite en voiture sous la pluie), demeuraient chevillées à la réalité du monde qu’il filmait. Dans DUNE 2, qu’il capte à contre-jour les personnages pour les enrober de lumière, qu’il utilise une caméra infra-rouge pour obtenir un noir et blanc dont l’artificialité réifie les effets d’un soleil noir ou qu’il use de filtres orangés pour figurer la modification de la lumière due à une éclipse, son travail, exécuté avec son inflexible assurance habituelle, permet à DUNE 2 d’asseoir pleinement la réalité de ses images et de démultiplier la sidération que certaines engendrent. Denis Villeneuve fait de ce tour de force esthétique le socle de la réussite de ce deuxième volet : dès lors que cet univers extra-terrestre s’incarne avec tant d’évidence, tout le reste suit. D’une grande fluidité, où rien ne semble superflu ou manquer, où aucune scène n’apparaît jamais ni trop courte, ni trop longue, le récit prend le temps de captiver, d’imposer ses enjeux, d’exposer et de nourrir ses ambiguïtés. Mais aussi de subjuguer avec une tonalité protéiforme, dont certains accents outranciers testent la résistance du style de Villeneuve, qui ne craque jamais. La première heure, mue en grande partie par Jessica Atreides et son corollaire de thématiques religieuses, revêt une puissance quasi chamanique, une étrange et magnétique exaltation. Ce cœur malfaisant qui bat, repris à son compte par Feyd-Rautha et l’interprétation reptilienne d’Austin Butler, rappelle la complexité de l’histoire qui nous est ici racontée, son désespoir face aux déterminismes, son rejet des hommes providentiels, son exploration des mécanismes de soumission et de colonisation, sa peur des guerres saintes, des calculs politiques et de la cruauté dont ils accouchent. Le naturalisme cher à Villeneuve se trouve aussi là, dans ces questionnements absolument contemporains, qui injectent à l’ampleur du spectacle une inquiétude des plus pertinentes.

De Denis Villeneuve. Avec Timothée Chalamet, Zendaya, Austin Butler, Rebecca Fergusson, Javier Bardem. États-Unis. 2h50. En salles le 28 février

 

 

 

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