IL RESTE ENCORE DEMAIN : chronique

12-03-2024 - 18:25 - Par

IL RESTE ENCORE DEMAIN : chronique

Le film-phénomène aux 5 millions d’entrées en Italie surprend par sa liberté et sa manière de subvertir les codes, raison probable pour laquelle il parle à toutes les générations.

 

C’est inattendu de la part d’une star de la télé, connue notamment pour ses talents comiques, comme Paola Cortellesi : un premier film militant, qui déboulonne le patriarcat et fait la nique aux réactionnaires. « C’était mieux avant » disent les déclinistes et les passéistes. « Vraiment ? » semble répondre la réalisatrice qui donne à IL RESTE ENCORE DEMAIN les atours du néo-réalisme, mouvement monstre du cinéma. À travers le regard qui flatte la culture italienne, elle remonte en arrière, à la fin des années 40, juste après la Seconde Guerre. Le mari de Delia (joué par Paola Cortellesi elle-même), Ivano, s’est battu dans les deux. Ça lui donne le droit de regarder les femmes comme des esclaves voire de taper sur la sienne. Son propre père alité prend sa bru pour sa bonne et apprend à son fils à tenir son épouse d’une main de fer. Marcella, leur aînée, leur annonce qu’elle va se marier, avec un type bien. Alors que bientôt, les femmes pourront voter, alors que son ancien amant va partir au nord de l’Italie pour trouver du travail, alors qu’elle nourrit de grands espoirs pour sa fille, Delia va entamer sa propre révolution.

Et puisque révolution il y a à l’écran, Paola Cortellesi décide elle aussi de faire la sienne. Si elle respecte visuellement les codes du cinéma classique italien – décors récurrents du foyer, de la cour d’immeuble, du marché, somptueux noir & blanc, inserts typiques nombreux, personnages pittoresques –, elle va exploser son format 4/3 d’abord utilisé pour les dix premières minutes par un générique en scope et un rock massif de Jon Spencer Blues Explosion : Delia part faire ses courses et gagner sa croûte comme on part en manif – ça va chier.

Tout ce que la bienséance et les gardiens du temple lui interdiraient de faire, Cortellesi le fait : quand Delia se fait taper dessus, la réalisatrice invente des danses – de salon ou contemporaine – pour amplifier le mouvement et la brutalité. Bien sûr, des danseurs ont déjà illustré la violence conjugale via des corps à corps chorégraphiés – on a pu le voir dans des émissions de télé à base d’auditions de TALENT – mais le mettre en scène dans un long-métrage, c’est s’assurer de communiquer avec le spectateur via des codes d’aujourd’hui, des sensibilités modernes. Pas étonnant que la jeune génération italienne ait été particulièrement sensible à IL RESTE ENCORE DEMAIN. Se déploie au fil du film l’intelligence redoutable d’une femme – devant et derrière la caméra – qui va déjouer les pièges d’un système patriarcal et vieillissant en multipliant les faux-semblants. Lorsqu’on pense que le film s’assoupit dans une histoire d’amour contrariée, quand on pense que Marcella a trouvé le bonheur grâce aux erreurs de la génération de ses parents – une morale pépère –, Cortellesi redistribue les cartes et donne aux femmes les armes de se défendre elles-mêmes et l’occasion d’être fières : imposer la comédie musicale par ici ou s’échapper belle sur du Outkast par là, c’est décaler le regard et dynamiter le statu quo. IL RESTE ENCORE DEMAIN le prouve : alors que Gabriele Mainetti (JEEG ROBOT, FREAKS OUT) semblait être la figure de proue d’un nouveau cinéma italien, tendant à ringardiser Bellocchio, Moretti ou Garrone, c’est bien des femmes que vient la surprise. Et ce, qu’elles aient 40 ans et une ribambelle de films derrière elles comme Alice Rohrwacher ou 50 ans et le culot d’une jeune première comme Paola Cortellesi.

De Paola Cortellesi. Avec Paola Cortellesi, Valerio Mastandrea, Romana Maggiora Vergano. Italie. 1h58. En salles le 13 mars

 

 

 

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