Cannes 2014 : DEUX JOURS, UNE NUIT / Critique

20-05-2014 - 10:10 - Par

De Jean-Pierre et Luc Dardenne. Sélection officielle, en compétition.


Pitch officiel : Sandra, aidée par son mari, n’a qu’un week-end pour aller voir ses collègues et les convaincre de renoncer à leur prime pour qu’elle puisse garder son travail.

« Je viens te voir parce que vendredi, avec Juliette, on a vu Dumont… » Et que Sandra aimerait bien que ses collègues changent leur vote. Ils avaient le choix entre garder la jeune femme au sein de l’entreprise ou toucher une prime de 1000 euros. Ils ont choisi en majorité l’argent. Mais ils ont l’air d’avoir été influencés et Sandra, accompagnée de sa seule amie au sein de la boîte, a réussi à faire revoter la décision. Lundi matin, tous devront choisir à nouveau. « Je viens te voir parce que vendredi, avec Juliette, on a vu Dumont… », répète-t-elle ad nauseam. Sandra a 48 heures pour les convaincre qu’elle a besoin de son travail. Même si elle sort de maladie, une absence qui a malheureusement prouvé qu’elle n’était pas indispensable au bon fonctionnement du service. Elle a besoin de son salaire, mais les autres ont besoin de leur prime. « Je viens te voir parce que vendredi, avec Juliette, on a vu Dumont… » encore. Une société capitaliste n’a pas besoin de plus pour être pérenne : il lui suffit de diviser la classe prolétaire. Sandra (Marion Cotillard) fera du porte à porte tout le week-end pour prêcher la solidarité, avec un laïus bien rôdé, litanique. « Je viens te voir parce que vendredi, avec Juliette, on a vu Dumont… » Elle est dépressive, ce qui ne l’aide pas à avoir une grande force de conviction… Comme une mendiante qui en appelle à la charité, ses espoirs sont souvent déçus – qui est-elle pour lutter contre une nouvelle terrasse, les études du gamin, le beurre dans les épinards, un découvert à combler ? Que reste-t-il de dignité chez quelqu’un qui doit demander à son prochain de faire appel à son humanité ? C’est ce qui intéresse les Dardenne et la structure répétitive du film, auquel ils s’en tiennent sans flancher, est leur plus belle arme. La tâche herculéenne de Sandra est accablante. À chaque visite chez un collègue, son plan séquence. Car dans ce DEUX JOURS, UNE NUIT, il y a le besoin de s’accrocher, d’harponner son interlocuteur pour convaincre. Il y a une peur latente et une vraie urgence dans le film. Hélas, il n’y a pas l’énergie du désespoir. Bien sûr, l’apathie est éloquente : qui veut encore se battre dans cette société qui ressemble de plus en plus à une chaîne alimentaire cautionnée par tous ? Mais à l’écran, on aurait aimé plus de colère. Dans la prestation de Marion Cotillard (de tous les plans), il y a trop d’accablement, pas assez de force. Et malheureusement, l’actrice ne s’efface que rarement derrière son rôle. Une tiédeur décevante, d’autant plus soulignée lors d’un dénouement un peu facile.

De Jean-Pierre et Luc Dardenne. Avec Marion Cotillard, Olivier Gourmet, Fabrizio Rongione. Belgique. 1h35. Sortie le 21 mai

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