Cannes 2014 : WINTER SLEEP / Critique

16-05-2014 - 19:48 - Par

De Nuri Bilge Ceylan. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis officiel : Aydin, comédien à la retraite, tient un petit hôtel en Anatolie centrale avec sa jeune épouse Nihal, dont il s’est éloigné sentimentalement, et sa sœur Necla qui souffre encore de son récent divorce. En hiver, à mesure que la neige recouvre la steppe, l’hôtel devient leur refuge mais aussi le théâtre de leurs déchirements…

Au-delà de sa durée (3h16), au-delà de son aridité et de son exigence, WINTER SLEEP s’avère une expérience douloureuse : celle de voir un cinéaste important – dont on n’apprécie pas tous les films mais dont on chérit la vision et les intentions – trébucher. Certes, WINTER SLEEP n’a rien d’une catastrophe, mais la proposition de Nuri Bilge Ceylan est dépourvue de chair et d’empathie et lutte perpétuellement pour créer le moindre contact avec le spectateur. Afin de nous faire entrer dans le cercle de ses personnages, le réalisateur filme quasiment uniquement de longues discussions (philosophiques, politiques, quotidiennes) dont la teneur va vite tourner à l’aigreur, aux rancœurs, aux reproches. Car Aydin est un homme vieillissant tout bonnement insupportable : pédant, paternaliste, donneur de leçons, intransigeant, snob, égoïste, méprisant et cynique, il a à peu près tous les défauts possibles et ainsi, vampirise littéralement les énergies de ceux qui l’entourent. Sa femme, sa sœur, ses locataires, ses employés. En étirant ses scènes jusqu’à ce qu’elles semblent potentiellement interminables, Ceylan mène le spectateur vers une sorte de transe ennuyeuse. Il souhaite nous épuiser, il désire nous mettre dans la position même de l’entourage d’Aydin. Sauf qu’il ne parvient jamais à créer tension, gêne ou inconfort dans ses longues scènes dialoguées. Tout juste sent-on frémir un certain agacement. Mais pas tant parce qu’Aydin l’est, agaçant, mais surtout parce que WINTER SLEEP et ses 3h16 de longs débats sans fin, manque cruellement de cinéma. Un reproche que l’on n’aurait jamais cru pouvoir faire au cinéaste turc. Ceylan ancre son film dans une esthétique passe-partout et une mise en scène adepte de champs / contre-champs guère inspirés. Et ce ne sont pas les rares plans splendides du film – un cheval sauvage essoufflé, le museau dans le sable mouillé ; un cimetière sous la brume –, qui sauvent WINTER SLEEP de sa sagesse stylistique à la limite de la paresse et de son absence totale d’intrigue. « J’ai perdu toute ma force dans mon combat contre toi », dit son épouse à Aydin. On n’aurait pas dit mieux, car même le cinéma de Ceylan en ressort lessivé.

De Nuri Bilge Ceylan. Avec Melisa Sözen, Haluk Bilginer, Demet Akbag. Turquie. 3h16. Sortie le 13 août

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