ÉCHANGE STANDARD : chronique + Interview de Jason Bateman

28-12-2011 - 12:48 - Par

Ryan Reynolds et Jason Bateman échangent leur corps. Ça leur apprend (lourdement) la vie.

Dave (J. Bateman), avocat, travaille trop et néglige sa famille. Il n’en est pas spécialement conscient. Mitch (R. Reynolds), acteur, ne bosse pas assez et trompe sa solitude avec une fille différente chaque jour. Il ne se l’avoue pas. Un soir arrosé, ces deux amis urinent dans une fontaine et, se plaignant de leur condition dans un éclair de lucidité, déchaînent la colère du destin qui échange leurs esprits. L’immature devient chef de famille en charge d’une fusion cruciale pour sa société. L’autre a carte blanche sexuelle et hante des plateaux de films… X. Vous connaissez déjà la morale de l’histoire : « Profite de la vie et règle tes problèmes comme un grand. » ÉCHANGE STANDARD s’inscrit donc dans un style de films qu’Harold Ramis aurait pu réaliser dans les années 80, sans en atteindre le panache. En revanche, il n’aurait pas le dixième de son immense charme sans ses deux acteurs excellant dans l’art de l’air con et du timing au cordeau. À ça, il faut rajouter une poignée de gags sales et drôles.

Emmanuelle Spadacenta

De David Dobkin. Avec Jason Bateman, Ryan Reynolds, Leslie Mann, Olivia Wilde. Sortie le 28 décembre

———

INTERVIEW : JASON BATEMAN

Depuis la série ARRESTED DEVELOPMENT, il est l’un des comiques les plus connus au monde. À l’occasion de la sortie d’ÉCHANGE STANDARD, retour sans gueule de bois sur une carrière de près de trente ans, qu’il aimerait bien voir légèrement dévier.

Au début d’ÉCHANGE STANDARD, vous recevez un geyser de merde dans la bouche. Vous n’avez pas eu envie de refermer le script immédiatement ?

(Rires.) Oui, mais j’étais aussi curieux de savoir comment les scénaristes pouvaient se sortir de cette situation. J’ai pris ça comme un challenge de jouer un personnage avec lequel on serait en empathie. Et puis, j’étais très excité parce que c’était une comédie censurée R (interdite aux moins de 16 ans non accompagnés, ndlr).

C’est important pour vous qu’une comédie ait un message ?

Non. Je crois que si le public va voir un film pour un message, il sera déçu. Ce n’est pas le job de la comédie. Mais, il y a effectivement des choses plus profondes, notamment sur la confusion entre la familiarité que l’on acquiert auprès de quelqu’un après dix ans de vie commune, et l’ennui ou la routine. Cela m’a rassuré que ces choses soient dans le film. Mais en règle générale, je suis à l’aise avec tout, même les choses les plus folles, dès lors que cela s’insère dans la personnalité d’un rôle.

Vous étiez un gros fêtard étant jeune, mais vous jouez souvent les mecs sérieux. C’est ironique de votre part ou c’est dû à l’étiquette qu’Hollywood vous a collée ?

Tout découle d’ARRESTED DEVELOPMENT, où je campais un personnage assez conservateur. Depuis, les gens m’engagent pour rejouer ce rôle. Mais j’adore incarner cet archétype. L’avantage d’ÉCHANGE STANDARD, c’est que je pouvais aussi jouer l’opposé… Peut-être que si les gens apprécient mon boulot sur ce film, je jouerai davantage des mecs plus fous à l’avenir.

Vous avez montré d’autres talents dans JEUX DE POUVOIR ou LE ROYAUME. Faire peu de films dramatiques est un choix ?

Non : j’adorerais jouer des personnages différents. Mais le vouloir et en avoir l’opportunité, ce n’est pas pareil. Personne ne m’engagera pour un rôle dramatique si je n’en ai pas eu auparavant… Des films comme JEUX DE POUVOIR ou MISE À PRIX m’ont permis d’essayer différentes choses. Il faut que je continue d’explorer diverses facettes pour que des portes s’ouvrent. J’ai des projets en ce sens… Mais les drames ont du mal à être financés à Hollywood. C’est bien plus facile pour les films d’action, de super-héros ou les comédies. Les drames intéressants, ils vont en festival ou sortent l’hiver durant la saison des Oscars. Cela représente deux ou trois mois dans l’année… Donc il y a peu de vrais bons rôles dramatiques à pourvoir. Surtout qu’il y a d’excellents acteurs connus pour ça. Si j’étais réalisateur, moi aussi je penserais à eux en premier.

Dans JUNO, vous jouiez un homme plus désagréable et sombre. Et ça n’a rien donné… Pourquoi ?

C’est une bonne question ! Peut-être qu’après JUNO, j’aurais dû être plus offensif et essayer de faire fructifier ça. Jason Reitman a vu quelque chose en moi d’adéquat pour ce film. J’espère que d’autres réalisateurs finiront par penser comme lui…

Quel serait votre projet rêvé ?

J’aime les vrais auteurs, car ils ont une vision. Bosser avec Paul Thomas Anderson, les frères Coen, Wes Anderson ou David O. Russell, ce serait génial. Des mecs qui font des « véhicules pour cinéastes », plutôt que des « véhicules pour acteurs ».

Ce fonctionnement hollywoodien vous frustre ?

Je comprends la complexité du business, alors ça m’aide à éviter toute frustration. Bien sûr, on a tous envie de se renouveler. Mais j’essaie de garder à l’esprit la chance que j’ai. En même temps, il faut avoir des buts et essayer de les atteindre.

J.Bateman dans PAUL

Dans PAUL, vous abordiez un rôle comique plus badass et tourné vers l’action…

Oui, c’est vrai ! Mais vous savez, certains rôles ne se remarquent pas vraiment. Malheureusement, tous les personnages que j’ai incarnés n’ont pas eu le même retentissement…

Si vous pouviez effacer quelque chose de votre filmo, vous choisiriez quoi ?

Je n’ai pas de regrets, ni personnels, ni professionnels. Bien sûr, il y a des choses dont je suis moins fier. Mais c’est normal, non ? Ce que je fais aujourd’hui, j’en suis vraiment fier. Après trente ans de carrière, c’est rassurant de me dire que ma vie n’a jamais été aussi bien qu’aujourd’hui.

La comédie, par définition, se vit plus qu’elle ne se pense. Du coup, est-ce que la promo d’ÉCHANGE STANDARD ne vous paraît pas vaine ?

Vous avez raison, la comédie est totalement subjective. Il existe une multitude d’humours différents. Un drame, ça reste un drame. Il sonne vrai ou pas. C’est difficile de juger une comédie, et ÉCHANGE STANDARD, clairement, n’est pas pour tout le monde. Ça va loin, c’est lubrique. Ma femme, par exemple, n’aime pas grand-chose dedans. (Rires.) C’est vain d’essayer de contenter tout le monde.

À part ça, vous allez le faire ce foutu film ARRESTED DEVELOPMENT, oui ou non ?

(Rires.) Vous savez, à chaque fois qu’on me pose la question, je ne peux que répondre que ça arrivera. Et c’est repris comme si c’était une mise à jour cruciale. Alors que pas du tout ! Je suis désolé de ne rien pouvoir dire de plus concret. Ce qu’on m’a dit laisse penser que le projet reste en développement. En 2012, qui sait ? (Ndlr : entre-temps, le tournage d’une saison 4 et d’un film, a été annoncé pour 2012)

Vous avez vu que le pitch a fuité sur le Net ? Il suivrait Ron Howard réalisant un film sur les Bluth…

Ça me fait marrer que les médias aient parlé de « fuite », alors que c’était exactement le sujet de la toute dernière scène de la série ! Cela aurait dû mettre la puce à l’oreille, non ? Je ne peux confirmer ou démentir, mais je peux vous dire que Mitchell Hurwitz (le créateur de la série, ndlr) avait tout planifié quand il a écrit cette scène. (Ndlr : le producteur Brian Grazer a récemment démenti ce pitch…)

Propos recueillis par Aurélien Allin

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.