CARTEL : chronique

13-11-2013 - 09:34 - Par

Leçon de « no future » par Ridley Scott. Ambitieux et intrigant, mais pas complètement maîtrisé.

On pourra voir dans CARTEL un cruel signe du destin : alors qu’il en dirigeait les prises de vues, Ridley Scott apprenait le suicide de son frère cadet Tony. Or, le père de BLADE RUNNER signe ici l’une de ses œuvres les plus nihilistes. Comme une pythie dévastée par le chagrin, il observe les gesticulations d’un quintette de personnages, pantins d’une existence où ni le Bien, ni l’espoir n’ont le droit de cité. Un avocat (Michael Fassbender) s’associe à Reiner (Javier Bardem) et Westray (Brad Pitt) pour un gros coup, en cheville avec un cartel mexicain. Autour d’eux gravitent Laura (Penélope Cruz), future épouse du premier, et Malkina (Cameron Diaz), femme fatale et compagne du second. Dire que CARTEL navigue dans des eaux troubles, c’est tomber dans le pur euphémisme : quiconque ignorant tout du film n’en apprendra pas plus au cours du récit. Quel coup fomente le trio ? Que font vraiment Westray et Reiner dans la vie ? Mystère. Car à la frontière entre Juárez au Mexique et El Paso au Texas, tout n’est que voiles de fumée et masques insondables. Ici, on parle en métaphores (« La vérité n’a pas de température »), en allégories sur le sexe et le sang comme deux faces d’une même médaille (« Être amoureux d’elle, c’est être amoureux d’une mort douce »), en phrases définitives dont certaines sonnent très Nouvelle Vague (« Je ne regrette jamais rien, car rien ne revient jamais ») ou en images parfois très didactiques (« Le problème n’est pas de chuter, mais ce qu’on entraîne dans sa chute »). On parle d’associés, d’employeurs, de coup, sans les définir. Sans jamais appeler un chat un chat. Si bien que ces circonvolutions permanentes empêchent d’entrer pleinement dans l’histoire, de se passionner pour cet enchevêtrement d’enjeux narratifs clairs et d’associations de malfaiteurs floues. Pourtant, de cela naît aussi la sensation d’assister à un véritable cauchemar éveillé, dont on ne saurait décrypter les codes. Et là, CARTEL prend toute sa mesure : cette peinture sans concession des conséquences des activités des cartels, où ne se côtoient que salopards, putes, idiots ambitieux ou ploucs en Armani, est d’une brutalité terrifiante et repoussante. Dans ce sacrifice de vies qu’on jette littéralement aux ordures, on reconnaît la patte punk et sulfureuse de l’écrivain Cormac McCarthy, qui signe le scénario. CARTEL, en refusant l’efficacité du thriller lambda, ne retrouve certes pas la clarté pragmatique d’un NO COUNTRY FOR OLD MEN (adapté d’un de ses romans), mais fait preuve d’une ambition indéniable. Quitte à perdre le contrôle.

De Ridley Scott. Avec Michael Fassbender, Javier Bardem, Brad Pitt. États-Unis. 1h57. Sortie le 13 novembre

 

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