AMERICAN BLUFF : chronique

05-02-2014 - 08:58 - Par

En dépit de ses démentes performances d’acteurs, le nouvel opus de David O. Russell tombe sur un gros os : le storytelling.

Abscam. Les Américains connaissent bien ce nom, celui d’une opération du FBI ayant visé, à la fin des années 70, à piéger des trafiquants d’art puis toutes sortes de politiciens corruptibles. Pour ce faire, le Bureau avait fait appel à l’escroc Melvin Weinberg. Un sujet de cinéma fou, où la réalité dépasserait la fiction. Dans les mains d’un cinéaste habitué aux personnages bigger than life tel que David O. Russell : de la dynamite. Mais AMERICAN BLUFF n’a pas encore commencé que le cinéaste prend ses distances : « Certains éléments de ce film se sont vraiment déroulés », prévient un carton. Comprendre qu’AMERICAN BLUFF n’est qu’une exploration très lointaine de l’opération Abscam et un prétexte pour bâtir une galerie de antihéros dont Russell décortique les ambitions, les états d’âme, les relations amoureuses et sensuelles. Aucun inconvénient à cela : après tout, ARGO, comme d’autres avant lui, avait également détourné les faits dans un pur souci narratif. À la seule différence qu’AMERICAN BLUFF peine, de son côté, à offrir à son récit une direction claire. Désintéressé par les rouages d’Abscam et embarqué dans une intrigue inutilement confuse voire élusive, Russell ne s’appuie sur aucune fondation suffisamment solide pour créer la tension nécessaire à l’attention du spectateur. AMERICAN BLUFF s’étire ainsi en longueur, incapable de passionner. Heureusement, David O. Russell étant David O. Russell, le film offre tout de même une bonne dose de cinoche. Mise en scène aérienne, pop songs rehaussant les enjeux psychologiques, allers et retours dans le temps : le cinéaste use de nombreux tours de passe-passe pour donner vie à ses personnages, qu’il analyse avec tendresse. De vraies caricatures burlesques offrant un regard hautement ironique sur la confrontation entre idéaux et morale, mais aussi sur le rêve américain et l’une de ses composantes : la liberté de chacun de se réinventer. Russell en tire des portraits déjantés (Jennifer Lawrence en mante religieuse dépressive décrite comme un « Picasso du karaté passif-agressif »), décalés (Christian Bale en décalque bienveillant et émouvant de Mel Weinberg), ou ridiculement barrés (Bradley Cooper en agent du FBI dévoré par ses rêves de grandeur). Dans le lot, Amy Adams triomphe. Véritable caméléonne, aussi à l’aise dans LES MUPPETS que dans THE MASTER, elle livre ici encore une prestation d’une folle densité où une tristesse déchirante vient tempérer son intimidant sex-appeal. Cette performance, à elle seule, suffirait presque à légitimer totalement AMERICAN BLUFF.

De David O. Russell. Avec Christian Bale, Amy Adams, Bradley Cooper. États-Unis. 2h18. SORTIE LE 5 FÉVRIER

 

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