LA PROMESSE D’UNE VIE : chronique

21-04-2015 - 16:57 - Par

Russell Crowe réalise son premier long-métrage et ne manque ni d’ambition ni de sincérité. C’est à double tranchant.

En tant qu’acteur, Russell Crowe met sa virilité au service de personnages de mâles alpha au charisme écrasant, jusqu’à ce que, parfois, ses prestations débordent dans le mauvais goût (cf. Javert dans LES MISÉRABLES). Ce sont les aléas de l’intensité et de l’implication totale. Homme entier devant la caméra? Pareil derrière. Pour son premier film de fiction, Russell Crowe ne lésine pas sur les grands sentiments, ni sur les effets de manche visuels ratés (des ralentis décidés en postproduction…) et décide de se mettre en scène lui-même, pas franchement enclin à laisser un autre acteur interpréter le héros de son film. Et c’est un héros stellaire qu’il nous propose : un homme, sourcier dans le désert australien, qui pleure la mort de ses trois fils, partis sur le front turc quatre ans auparavant, en 1915, et tous les trois portés disparus lors de la bataille des Dardanelles. En proie à un profond désarroi face à l’absence, sa femme finit par se suicider. Il décide alors d’aller à Gallipoli rechercher les corps et les rapatrier. Sur place, il découvre d’anciens ennemis prêts à collaborer pour recenser les morts et faire en sorte de respecter la dignité de chacun. C’est dans ce cinéma très masculin, d’ego, de contrition, de peine refoulée, de virilité blessée que Crowe excelle. Il y a une grande noblesse dans l’épopée instinctive et désespérée de cet homme cherchant les restes de ses fils comme il sonderait le bush pour y trouver de la vie. Inspiré par des décors naturels majestueux, notre réalisateur redouble d’ambition : sa caméra est leste, son film, ample, nourri par les grands espaces et la richesse de l’Orient. Autant Russell Crowe est à l’aise pour exalter la beauté du désespoir, autant il échoue dès lors qu’il s’embarrasse de romance. Il aurait pu se contenter de retracer le parcours d’un homme réclamant son statut de père – un récit déchirant qui se suffisait à lui-même. Mais non, il a voulu offrir à son héros l’amour d’une femme (Olga Kurylenko), celui d’une veuve, propriétaire de l’hôtel dans lequel il séjourne, et voilà que le film prend des atours cucul de bluette, sourires niais et dialogues bas du front de rigueur. Le sentimentalisme chez Crowe est à double tranchant. Quand il est canalisé, il nourrit un cinéma très droit, très émouvant ; quand il déborde, il donne des moments de maladresse gênants et émotionnellement assez pauvres. Peut-être faut-il garder en tête que même si l’acteur Russell Crowe compte trente ans de carrière, le réalisateur livre son tout premier long-métrage. Qu’il soit plein de fragilités le rend donc d’autant plus intéressant.

De Russell Crowe. Avec Russell Crowe, Olga Kurylenko, Jai Courtney. Australie. 1h51. Sortie le 15 avril

 

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