TAKE SHELTER : chronique

04-01-2012 - 08:38 - Par

Avec son deuxième film, porté par un immense Michael Shannon, le cinéaste Jeff Nichols s’impose comme l’un des plus grands espoirs de sa génération.

Curtis (Michael Shannon), marié à Samantha (Jessica Chastain) et père d’une petite fille, voit en cauchemars et en hallucinations l’approche d’une tempête apocalyptique. Décidé à protéger sa famille, il débute la construction d’un abri souterrain dans son jardin. Mais parce que, vingt-cinq ans plus tôt, sa mère a été diagnostiquée schizophrène, Curtis se demande si ses visions ne sont pas symptomatiques de sa descente vers la folie… Présenté à Sundance, puis couronné à Cannes et Deauville, TAKE SHELTER fait partie de ces étalons de festivals n’ayant pas usurpé leur réputation. Jeff Nichols fait ici preuve d’une subtilité et d’une délicatesse qui donnent à son film une densité inébranlable. Jamais son portrait de Curtis ne frôle, même de loin, la grandiloquence. Jamais l’interprétation de Michael Shannon (voir notre interview p.56) ne vise la « performance ». Car c’est plutôt dans l’intimité simple et quotidienne de ses personnages que le cinéaste farfouille, via une direction d’acteurs et une écriture d’une grande finesse. Curtis et Samantha, plus que des héros de cinéma, y apparaissent dans leur humanité la plus banale, par la grâce de détails disséminés dans des dialogues anodins, des sourires et regards francs, des gestes discrets. Un réalisme quasi naturaliste qui plonge le spectateur dans une bulle envoûtante, où chaque cauchemar de Curtis surgit presque par surprise et sonne comme une menace aussi terrifiante que concrète. Par son refus du spectaculaire, Nichols donne ainsi une véritable chair à ces visions et au questionnement psychologique de Curtis. Là où TAKE SHELTER aurait pu n’être qu’un suspense bêta (alors, fou ou pas ?), il s’affiche en chemin de croix que l’on parcourt avec une empathie déchirante. D’une grande rigueur esthétique, TAKE SHELTER use d’une mise en scène signifiante, d’une musique étrangement fascinante et d’effets spéciaux soignés pour saisir le spectateur par le col durant plus de cent minutes, bâtissant une tension tout sauf artificielle. Jeff Nichols peut alors abattre sa dernière carte : un dernier quart d’heure d’une sublime intensité. Rares sont les films capables de nous clouer ainsi sur nos sièges. De nous laisser le cœur tambourinant dans la poitrine. De nous hanter des jours durant. De nous prouver que certains réalisateurs peuvent brandir l’étendard d’un cinéma exigeant mais poignant sans avoir l’air d’asséner une grande leçon. Immense et immanquable.

De Jeff Nichols. Avec Michael Shannon, Jessica Chastain, Shea Whigham. Sortie le 4 janvier

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