Cannes 2012 : PARADIS : AMOUR / Critique

17-05-2012 - 22:15 - Par

D’Ulrich Seidl. Sélection officielle, en compétition.

Synopsis : Sur les plages du Kenya, on les appelle les « sugar mamas », ces Européennes qui achètent les services de jeunes Africains se prostituant pour assurer leur subsistance. Teresa, une Autrichienne quinquagénaire en quête d’amour, part faire du tourisme sexuel dans un de ces paradis exotiques.

Ulrich Seidl a encore frappé. Ce qui n’est pas forcément une bonne chose. Car ceux qui ont enduré ses précédents films de fiction – le bonhomme est aussi un documentariste réputé – que sont DOG DAYS (2001) et IMPORT EXPORT (2007) connaissent sa propension à la provocation, l’observation du glauque, la misanthropie, le tout saupoudré d’une certaine complaisance. On espérait que pour PARADIS : AMOUR, Seidl allait canaliser ses élans, car le sujet – une touriste autrichienne pratiquant le tourisme sexuel au Kenya, pensant ce faisant chercher l’amour – avait tout sur le papier pour nourrir ses travers habituels. Pendant une petite demi heure, heureuse surprise : Seidl fait montre d’un certain humour. En pointant du doigt la bêtise crasse des touristes et leur racisme colonialiste, il parvient à s’immiscer dans son sujet avec ironie et dynamisme. On peut alors profiter de son talent visuel – des plans fixes comme autant de tableaux naturalistes sublimes – et de la performance improvisée de son actrice principale, la gironde et cartoonesque Margarethe Tiesel, véritable bouffeuse de pellicule.

Sauf que pour quiconque connaît un peu Seidl, impossible de se plonger en totale confiance dans cette ambiance. Et effectivement, dès que Teresa, la touriste sexuelle croyant chercher l’amour, connaît sa première désillusion « amoureuse », PARADIS : AMOUR bascule. La misanthropie galopante de Seidl reprend le dessus, et l’on sait immédiatement vers quoi va nous mener le récit. Ici, tout le monde est sale, menteur, mauvais, mu par des névroses et des pulsions détestables. Teresa se révèle idiote, accumulant les aventures avec des kenyans se prostituant pour vaincre la misère, et ne comprend jamais cet état de fait. Alors la voilà qui répète inlassablement le même schéma biaisé. Pendant deux heures. Et l’on devrait s’apitoyer sur sa misère sentimentale. Mais là où Seidl trébuche de façon impardonnable, c’est dans son discours général. Si le spectateur est censé savoir que les kényans se prostituent pour survivre à la misère, jamais Seidl ne le rappelle à l’écran, même subtilement. Les gigolos ne sont que mensonges, filouterie et vénalité manipulatrice. Même leurs femmes ou les maîtresses d’école s’avèrent détestables.

Si bien qu’au final, ce portrait une fois de plus désenchanté du monde et de l’humanité, tourne à vide. Le propos de Seidl n’a rien de fondamental – surtout qu’il traite d’un sujet connu –, son traitement n’a rien d’émouvant ou de choquant. Le film s’étire juste complaisamment sur deux heures, et finit d’exclure le spectateur. Car Seidl, contrairement à son confrère misanthrope Lars von Trier, a oublié que même s’il n’apprécie pas les Hommes, ses personnages eux, auraient le droit de s’aimer. Que nous, aurions le droit de les aimer. Même un instant.

D’Ulrich Seidl. Avec Margarethe Tiesel, Maria Hofstätter, Inge Maux. Allemagne / Autriche. 2h

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