Cannes 2012 : ANTIVIRAL / Critique

20-05-2012 - 18:00 - Par

De Brandon Cronenberg. Sélection officielle, Un Certain Regard.


Synopsis : ANTIVIRAL suit Syd March, employé d’une clinique qui revend des injections de virus ayant touché des stars à des fans obsessionnels. Une symbiose biologique – qui a un prix. Syd pourvoit également des échantillons à des groupes pirates, les faisant sortir de la clinique via son propre corps. Mais lorsqu’il devient infecté par la maladie qui a tué la sensation Hanna Geist, Syd devient la cible des collectionneurs et de fans enragés. Il doit alors découvrir le mystère entourant la mort de la star, avant de connaître le même sinistre destin.

« Papa doit être fier ». Voilà ce qui nous est venu immédiatement à l’esprit à la fin de la projection d’ANTIVIRAL, premier film de Brandon Cronenberg. Si l’on se plaint depuis quelques années que Cro-Cro ait délaissé le cinéma charnel de ses débuts, celui un peu cradingue et dérangeant que l’on aimait tant – et que l’on espère retrouver avec COSMOPOLIS –, fiston prend la relève avec ANTIVIRAL. Ou l’histoire, se déroulant dans un futur proche inconnu – ou une réalité parallèle ? –, dans laquelle les fans se rendent en clinique pour s’inoculer les grippes, herpès et autres maladies de leurs starlettes préférées. Et achètent en boucherie des steaks de cellules de ces mêmes starlettes. On l’aura compris, Brandon s’attaque ici frontalement à notre société du spectacle, de la célébrité instantanée et ridicule, de la fascination pour l’image. De la part d’un « fils de », dont le père présente ici même à Cannes, un opus avec en star Robert Pattinson, la démarche n’en est que plus délectable et troublante. Comme si père et fils s’étaient entendus pour livrer sur la Croisette le double happening filmique le plus signifiant et terroriste depuis des lustres. Ne pas limiter pourtant ANTIVIRAL à son concept, son sujet et à l’identité de son réalisateur. Car au-delà, le projet s’avère redoutablement solide et fascinant. S’il recèle de quasiment tous les défauts d’un premier film – complaisance dans la durée, redondance et surlignage du propos, tics de réalisation parfois maladroits, peur du hors-champ –, il affiche aussi les immenses qualités d’un long-métrage dirigé par un vieux de la vieille. On se passionne ainsi pour la malice et le jusqu’au-boutisme de Brandon Cronenberg, qui parodie les médias people de la façon la plus frontale possible – vous avez envie de voir l’intérieur du côlon d’une Kardashian-like ? –, tout en rendant la chose extrêmement crédible et ancrée dans notre réel. Surtout, il offre à son film une identité visuelle imparable où idées de mise en scène – transitions de montage boostant le récit, ou l’immergeant dans un mystère envoûtant – et esthétique chiadée se côtoient de façon cohérente. Cerise sur le gâteau : ANTIVIRAL est porté par un acteur démesurément talentueux, Caleb Landry Jones. Depuis qu’on l’avait croisé dans X-MEN FIRST CLASS, LE DERNIER EXORCISME ou CONTREBANDE, on attendait que sa trogne inquiétante soit enfin mise au service d’un film digne de son charisme. Il livre ici une performance vivante et séminale. Un exploit d’autant plus remarquable que Brandon Cronenberg se garde bien de fouiller ses personnages, qui ne sont ici que des robots ou concepts désincarnés, voués uniquement à servir le récit. Fort de ce ton assuré, ANTIVIRAL affirme sa propre identité : là où les films de papa vomissaient la chair en la transformant, fiston s’en délecte en l’ingérant. Attendons tout de même son deuxième film avant de lancer le thème brandon-cronenbergien…

De Brandon Cronenberg. Avec Caleb Landry Jones, Sarah Gadon, Malcom McDowell. Canada / USA. 1h50. Prochainement

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