GONE GIRL : chronique

09-10-2014 - 09:55 - Par

Bien camouflé sous le thriller, le nouveau David Fincher est un tempétueux portrait des femmes, des hommes. Et de l’hystérie.

Le nouveau film de David Fincher laisse étourdi. Porté par autant de colère que de frustrations, GONE GIRL dégage une puissance écrasante. Fincher construit d’abord son film comme un tourbillon : son héros, Nick Dunne (Ben Affleck), découvre que sa femme, Amy, a disparu le jour de leur cinquième anniversaire de mariage. Une table basse brisée, une porte d’entrée laissée ouverte, une trace de sang sur la hotte de la cuisine: c’est un kidnapping. La police s’empare de l’enquête, la petite ville du Missouri dans laquelle le couple habite depuis deux ans s’accapare la tragédie. Conférence de presse, veillée de prières… Le soutien s’organise, le fait-divers se fabrique, la pensée devient unique. Nick est totalement dépossédé du drame par tant d’hystérie. Parce qu’il a souri au mauvais moment, parce que ça se voit qu’il n’aime pas sa femme, il devient rapidement le suspect n°1. Dans un premier temps, le récit fonctionne sur l’opposition de points de vue: celui du mari pas franchement éploré contre celui de la disparue, dont la voix off emmène le spectateur dans un labyrinthe de flash-back. Des morceaux du passé d’abord idyllique où elle et lui étaient des New-Yorkais de bon goût, du milieu de l’édition, s’échangeant des répliques irréelles de romans photos; puis décati, avec le chômage et un déménagement contraint dans la ville natale de monsieur, un patelin de vieux riches. Au fil d’un jeu de piste dont Amy a le secret, Nick va remonter le secret de l’absence de sa formidable épouse, celle que tout le monde aime sans la connaître. Une déesse de la détermination en goguette, un être sexuel et névrosé, délirant. Découvrir Amy dans GONE GIRL, c’est tomber dans un soap opera formidable où les bourgeois sont rongés par un hubris mal placé et une soif de sécurité. La figure féminine, comme souvent chez Fincher, est assez fascinante : si animale, si instinctive qu’elle n’est jamais à l’abri de la misogynie (celle du film et celle de Nick), elle vit à sa manière le drame de connaître les hommes. Si le réalisateur raconte la disparition d’une femme, il filme surtout une Amérique qui désincarne au profit d’une imagerémanente, qui exige qu’on soit perpétuellement à la hauteur de sa grandeur d’âme. Dans GONE GIRL, plus c’est joli et propre, plus c’est sale au fond. Comme dans SEVEN, il détruit les couples heureux, comme dans FIGHT CLUB, il lapide la beauté. Grâce au jeu parfois si lisse qu’il déroute, grâce à certains choix de mise en scène ou de montage qui troublent le confort, Fincher injecte le chaos dans la perfection, fissure la vitrine immaculée de son thriller jusqu’à ce qu’elle explose dans l’anarchie la plus baroque.

De David Fincher. Avec Ben Affleck, Rosamund Pike, Tyler Perry. États-Unis. 2h20

 

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