QUAND VIENT LA NUIT : chronique

12-11-2014 - 10:18 - Par

Derrière son indéniable classicisme, QUAND VIENT LA NUIT dévoile une densité émotionnelle qui fait toute sa richesse.

Bob est serveur au bar de son cousin Marv, qui sert de dépôt d’argent pour divers trafiquants. Lorsque tous les deux se font braquer, les fantômes du passé ressur- gissent. Tout comme l’habit ne fait pas le moine, son tout premier plan ne fait pas QUAND VIENT LA NUIT. Dans une flaque saumâtre, le reflet cul par- dessus tête d’un pont new-yorkais – imagerie classique, d’IL ÉTAIT UNE FOIS EN AMÉRIQUE aux SOPRANO. À l’image de ce reflet, le deuxième long-métrage de Michaël R. Roskam après BULLHEAD va- t-il lui aussi renverser les fondations du film de gangster ? Non. Parrains mégalos, petites frappes trépignant d’ambition, flics dépassés mais jamais dupes, omniprésence de l’ombre religieuse sur des hommes hésitant entre Bien et Mal : le film joue la totale, par le menu. Pas étonnant, puisqu’on trouve au scénario l’un des maîtres du roman noir, Dennis Lehane, qui adapte ici sa propre nouvelle. Pourtant, bien qu’évoluant en terrain connu, Roskam parvient avec de tout petits riens à bâtir une ambiance menaçante vibrant d’une gravité étouffante et d’une mélancolie pesante. Si bien que, même lové dans un agréable cocon de déjà-vu, le spectateur se retrouve incapable de savoir où le récit va le mener, si ce n’est à une inévitable explosion de violence. La tristesse sourde de l’inéluctable hantant un héros taciturne et torturé : voilà le lien indéniable entre QUAND VIENT LA NUIT et BULLHEAD, signe que Roskam, bien que passé à Hollywood, n’a pas oublié ses marottes. Bob, géant maladroit trop gentil pour être le simplet qu’il semble parfois être sous les traits d’un Tom Hardy phénoménal d’intensité intériorisée, lutte contre ses blessures et ses fautes d’antan, contre son milieu, contre les codes du genre cinématographique dans lequel il vit. Le tout grâce à la présence discrète d’une femme brisée (Noomi Rapace) que le récit a la délicatesse de ne pas limiter à un simple gimmick romantique et surtout grâce à une rencontre décisive : celle de Bob avec Rocco, chiot pitbull trouvé dans une poubelle, moteur bouleversant d’une rédemption ambiguë. Étrange donc, que QUAND VIENT LA NUIT (THE DROP en VO) n’ait pas conservé son titre originel (et celui de la nouvelle), ANIMAL RESCUE. D’autant que Lehane et Roskam saisissent sans pathos mais avec beaucoup de cœur ce lien guérisseur qui unit l’homme blessé à son chien. Petit bonus d’un film cachant bien des trésors : la façon dont Roskam use de James Gandolfini pour un rôle (son dernier) déjouant l’image triomphante de Tony Soprano. Pas mal pour un polar qu’il serait si simple d’enfermer dans son classicisme apparent.

De Michaël R. Roskam. Avec Tom Hardy, Noomi Rapace, James Gandolfini. États-Unis. 1h47. Sortie le 12 novembre

 

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