CAPTIVES : chronique

07-01-2015 - 10:01 - Par

Après CHLOÉ et LES TROIS CRIMES DE WEST MEMPHIS, Egoyan va mieux. En atteste ce CAPTIVES, ne lésinant pas sur les audaces narratives.

CHLOÉ et LES TROIS CRIMES DE WEST MEMPHIS, les deux films les plus récents du Canadien Atom Egoyan, nous avaient fait un peu peur. Le réalisateur était-il en manque d’inspiration ? C’était parler trop vite. Avec CAPTIVES, le cinéaste canadien revient en effet dans une forme stylistique assez remarquable et convoque trois de ses précédentes réussites: LA VÉRITÉ NUE – pour la quête d’une vérité trouble et changeante–, DE BEAUX LENDEMAINS –pour l’analyse des effets qu’a la perte d’un enfant – et EXOTICA – pour sa narration éclatée. Egoyan part ici d’une histoire somme toute lambda, maintes fois explorée dans le            thriller contemporain – et encore récemment dans PRISONERS –, à savoir la disparition d’une petite fille. Mais comme le révèle le tout premier plan du film – un panoramique circulaire sur une étendue neigeuse –, Egoyan a ici pour ambition de dévoiler le spectre de cette histoire en refusant toute linéarité. Quitte à tourner en rond et à revenir sur ses pas. C’est donc à une véritable expérimentation narrative qu’il nous invite. Sans la moindre introduction ou le moindre indice préalable, dès les premières minutes, il brouille les pistes et multiplie les temporalités. En perdant immédiatement le public, il le mène à un état de surprise total, à une constante absence de repères et le laisse lentement reconstituer la chronologie des faits. Poussif? Non. Malin: quand le spectateur croit avoir un temps d’avance, il réalise en avoir deux de retard. S’il insinue des doutes pour les balayer sans explication et s’il s’avère sinueux, le récit de CAPTIVES n’a rien de nébuleux. À ce titre, la plus grande force du film réside dans son élégance et sa sobriété. Pliant sous le poids de l’affliction de parents désarmés, de flics désabusés ou d’enfants maltraités, CAPTIVES ne succombe jamais au spectaculaire ou à l’héroïsme. Les protagonistes campés par les excellents Ryan Reynolds, Mireille Enos, Rosario Dawson et Scott Speedman sont ordinaires, et, paradoxalement, tirent de cette humilité une noblesse hautement cinématographique. C’est tout le talent de ce film décortiquant le pouvoir malsain et fantasmatique du storytelling : réunir les contraires. Egoyan joue avec le spectateur sans le manipuler, il le confronte à l’horreur sans la lui montrer, donne de la substance à une construction narrative qui aurait pu tourner au gadget. Si le réalisateur trébuche sur quelques détails – le personnage de Kevin Durand, trop outrancier –, il signe avec CAPTIVES un essai de cinéma évoluant à 360° : une histoire simple déroulée en une narration complexe débouchant sur des émotions limpides.

D’Atom Egoyan. Avec Ryan Reynolds, Mireille Enos, Rosario Dawson. Canada. 1h53. Sortie le 7 janvier

 

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