Cannes 2015 : ALIAS MARIA / Critique

22-05-2015 - 21:05 - Par


De José Luis Rugeles Gracia. Sélection officielle, Un Certain Regard.

Pitch : Maria, 13 ans, soldat de la guérilla, est commanditée d’une mission auprès de trois autres enfants soldats : emmener le bébé du commandant en sécurité, dans une ville pas loin. Mais personne ne connaît le secret de Maria : elle est enceinte et avoir un enfant est interdit sous la guérilla. Pendant la mission, son secret est révélé et elle s’enfuit pour ne pas avoir à avorter.

L’Amérique du sud nous aura au moins offert deux bons films cette année à Cannes. ALIAS MARIA rejoint donc LAS ELEGIDAS au même titre d’incontournable de la section Un Certain Regard. Cette fois, il n’y a pas de mise en scène racée ou de concept ironisant, la Colombie est moins dans la posture esthétique que le Mexique, plus dans l’urgence. ALIAS MARIA, brûlot enflammé en faveur des femmes qui luttent pour leur liberté, est vif, viscéral. Agacé, énervé, violent, doux, gênant. Il balaie une palette d’émotions large, sans jamais déborder dans la violence ou dans l’angélisme, mais avec tact et intelligence. Il faut dire qu’ALIAS MARIA raconte celles qui doivent nier leur féminité au nom de la guérilla. Et ce n’est pas un sacrifice esthétique, mais total. Maria a 14 ans et elle est l’amante d’un militaire qui a deux fois son âge. Cette enfant pubère, qui n’a pas encore ses formes d’adulte mais est déjà enceinte, va alors apprendre, en protégeant le bébé de son colonel, à devenir une mère. Alors même que l’envie d’enfant la dévore, son amant apprend sa grossesse et la force à avorter, puisqu’être enceinte est prohibé. La guerre n’a aucun respect pour les enfants. C’est alors que naît le véritable sens guerrier de la jeune femme. Car sous couvert d’exécuter sa mission, de prendre part à la cause, elle va se jeter dans une fuite en avant pour sa survie et celle de son enfant. Il n’y a plus de camarade qui tienne, ni d’abnégation ou de solidarité. Il n’y a que l’instinct de préservation, l’instinct maternel plus fort que tout. Sous les traits sévères et déterminés de Karen Torres et sa silhouette ossue, Maria incarne quelque chose de primitif et ancestral, elle, mère de toutes les mères. Elle est aussi le droit de choisir, de disposer de son corps. Avec son lot de scènes dures et ses cavales en pleine jungle, ALIAS MARIA est un film de guerre. Mais de guerre intérieure, intime et fondamentale pour préserver le dernier territoire sacré.

De José Luis Rugeles Gracia. Avec Karen Torres, Erik Ruiz, Anderson Gómez. Colombie/Argentine/France. 1h30. Prochainement

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