Cannes 2015 : MARGUERITE ET JULIEN / Critique

19-05-2015 - 10:45 - Par

De Valérie Donzelli. Sélection officielle, en compétition.
Pitch : Julien et Marguerite de Ravalet, fils et fille du seigneur de Tourlaville, s’aiment d’un amour tendre depuis leur enfance. Mais en grandissant, leur tendresse se mue en passion dévorante. Leur aventure scandalise la société qui les pourchasse. Incapables de résister à leurs sentiments, ils doivent fuir…

Première entrée en compétition pour l’intrépide Valérie Donzelli avec un film étonnant. Sur un scénario destiné à François Truffaut au départ, la jeune réalisatrice brode un mash-up du cinéma hexagonal, un Reader’s Digest des grandes « tendances du cinéma français » pour aboutir à un objet étrange, à la fois passionnant et improbable. On aime chez Donzelli sa théâtralité, son sens du lyrisme pop, ses bricolages naïfs et bouleversants, cette manière de n’avoir peur de rien et surtout pas du ridicule. C’est ce qui rend son nouvel opus malgré tout attachant. Parce qu’elle y va, parce qu’elle prend à bras le corps la question du romanesque, du film historique, de la love story, le film est d’une rare générosité. Donzelli filme cet amour impossible sous toutes les coutures. Rien que pour ça, on lui est gré d’avoir remis un peu d’audace dans la compétition. Pourtant, on ne peut pas s’empêcher d’être un peu déçu. Le film commence avec un tel brio, une telle fougue enfantine et mélancolique qu’on s’installe réjoui dans ce BONNIE & CLYDE amoureux. Et la première partie des amours de Julien et de Marguerite est à la hauteur de nos attentes. On est autant dans la féerie de Jacques Demy que dans le romanesque théâtral façon Desplechin. C’est délicat, mutin, parfois proche de l’illustratif à la Wes Anderson, bref charmant. Dommage alors que la seconde partie, plus directement truffaldienne gâche la fête. Donzelli est une réalisatrice à dispositif et le réalisme vibrant du style qu’elle pastiche ne lui va pas vraiment. On la sent moins inventive, plus lourde aussi dans les sous-entendus et les effets. Surtout, l’inconséquence délicate du début est remplacée par une gravité qui ne prend jamais. Le tragique tombe à plat, la faute peut-être à des dialogues moins brillants et un jeu trop compassé. Tout s’effondre. Le film croit gagner en maturité, il perd en spontanéité. Les dispositifs ne sont plus tenus et le film devient littéralement une fuite en avant pour essayer de bâtir un monument tragique qui ne tient pas debout. On aime Donzelli quand elle sait qu’elle imite et qu’elle invente, moins quand elle croit être à la hauteur de ses maîtres. On la préfère pirate et légère comme dans sa récente adaptation des « Jeux de l’Amour et du Hasard » pour Arte. Dans ce téléfilm, elle y déployait une irrévérence et un lyrisme amoureux singulier qui font défaut ici.

D’après le scénario de Jean Gruault écrit en 1971 pour François Truffaut.

De Valérie Donzelli. Avec Anaïs Demoustier, Jérémie Elkaïm, Frédéric Pierrot. France. 1h50. Sortie le 30 septembre 2015

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