Le réalisateur de SENNA, Asif Kapadia, met son talent de storyteller au service d’un portrait posthume d’Amy Winehouse.
Amy Winehouse, on la connaît souillonne et famélique, la peau égratignée en une des tabloïds, titubante dans les rues de Londres, elle qui était si célèbre pour annuler de manière intempestive ses apparitions à la télé ou dans les plus prestigieux festivals. Aux yeux du grand public, elle brillait pour ses tubes (« Rehab », « Back in Black ») et par son absence. Si bien qu’on ne sait rien d’elle. On pense à tort qu’elle a poussé comme un champignon dans les charts anglais, puis que, brisée par l’alcool et la drogue, elle est morte. Point. Asif Kapadia va remettre un peu d’ordre dans tout ça. Et comme il avait réalisé un documentaire définitif sur Ayrton Senna, il livre AMY, film exhaustif sur Amy Winehouse, décédée à 27 ans. Dans le seul but d’expliquer comment et pourquoi elle est morte. Rien que ça. Son décès est certainement le fruit d’une somme de mauvais choix, d’actes de maltraitance et d’une propension suicidaire à la passion. Kapadia cueille Amy Winehouse à 14 ans, alors qu’elle chante un « Joyeux Anniversaire » d’une voix bien plus mature que son juvénile visage. Dans un premier temps (la carrière précédant l’explosion « Rehab » occupe une heure de film), il déroule son amour du jazz, ses premiers contrats, ses premières scènes, les liens forts et fidèles qui l’unissaient à ses collaborateurs, sa crainte de la célébrité, son amour incorruptible de la musique, pour laquelle elle avait un véritable don. Tout ce qui dévoile une personnalité fragile mais entière. Amy Winehouse, enfant de la classe prolétaire, avait des parents largués. Ils témoignent dans AMY, mais se sont depuis désolidarisés du film, criant à la manipulation et au mensonge. Gentille fille un peu perdue, Winehouse était sous mauvaise influence. Telle l’héroïne d’un film d’horreur, elle était harcelée par un épouvantable fantôme : Blake Fielder, son grand amour, toxico et infidèle. Sa voix, caverneuse, retentit en off, s’excusant à peine. Même quand il disparaît du tableau, même quand on pense qu’il est parti, il réapparaît, flou, spectral, derrière elle, en sortant d’un bar. Il revient tout le temps, nocif, auprès d’Amy, soudain aspirée dans un tourbillon morbide et violent. Kapadia dessine les contours des nuisibles et détermine, sans pointer du doigt, une galerie de personnes qui ont maintenu Amy dans la dépendance et qui se sont assurés que sans la drogue, elle connaisse l’enfer : l’ennui. Fort d’un immense talent de storyteller et comme s’il racontait l’histoire d’une Marilyn Monroe de Top of the Pops, Asif Kapadia refait la grande tragédie d’Amy pour nous subjuguer.
D’Asif Kapadia. Documentaire. États-Unis. 2h07. Sortie le 8 juillet
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