LE LIVRE DE LA JUNGLE : chronique

11-04-2016 - 15:04 - Par

LE LIVRE DE LA JUNGLE : chronique

Visiblement animé par la passion d’un jeune loup, Jon Favreau fait d’un projet casse-gueule un merveilleux film familial, tout en nuances de douceur et de cruauté.

Jungle-PosterAprès ALICE AU PAYS DES MERVEILLES, L’APPRENTI SORCIER, MALÉFIQUE et CENDRILLON – et en attendant notamment LA BELLE ET LA BÊTE, déjà tourné, ou PINOCCHIO, DUMBO et MULAN, tous en développement –, voici donc LE LIVRE DE LA JUNGLE, nouvelle adaptation par Disney d’un de ses classiques animés, en prises de vues réelles. Ou presque. Car ici, à part l’interprète de Mowgli – le débutant et convaincant Neel Sethi – et quelques éléments de décor, rien n’existe. Loin de toute jungle, c’est en effet dans un hangar-studio situé au beau milieu de Los Angeles que Jon Favreau a mis en boîte son LIVRE DE LA JUNGLE. Le réalisateur ne s’aventure toutefois pas pour autant dans le monde de la performance capture et signe, selon ses propres termes, un film se rapprochant avant toute chose, dans son processus, de l’animation. Si son incroyable photoréalisme rappelle parfois celui du VOYAGE D’ARLO, LE LIVRE DE LA JUNGLE va plus loin que son compère puisqu’il ne propose aucune saillie « cartoon ». Au centre du projet réside une volonté de flouter les frontières entre prises de vues réelles et animation, de pousser encore plus loin l’hybridation des genres au point de les confondre. Les toutes premières images du film, avec malice, sont entièrement à cet ouvrage : le château du logo des studios Disney se dévoile ici en une version 2D « animée à la main » et, alors que la caméra recule pour s’enfoncer dans la jungle, le dessin se fond en CGI, avec fluidité, presque imperceptiblement, avant que l’image de synthèse ne prenne totalement le pouvoir. L’effet d’immersion est instantané, alors que la première séquence, emballante, colle à Mowgli dans des plans d’une énergie folle – la proximité de la caméra, sa manière d’entourer le « Petit d’homme », crée une identification immédiate enterrant toutes les expériences récentes de cinéma subjectif. C’est sans doute l’un des grands mérites esthétiques de ce LIVRE DE LA JUNGLE : alors que Favreau aurait pu se contenter de regarder avec contentement le tour de force technique que représente son film, il n’oublie jamais que le livre de Kipling et le dessin-animé Disney sont des vecteurs imparables d’émotion. La puissance technologique se voit ainsi très vite supplantée par la force du récit et la mise en scène de Jon Favreau, sans doute la plus inspirée de sa carrière. Citons notamment la séquence de Kaa qui, outre son intelligent découpage replaçant Mowgli au centre de chaque plan et rappelant son statut de proie, affiche l’un des plus beaux plans 3D jamais vus. Jouant du réalisme de ses images et maîtrisant le pouvoir d’évocation émotionnelle des animaux, Jon Favreau accompagne quelques élans naturalistes d’une foultitude de séquences extrêmement stylisées, au caractère fantasmatique captivant – l’opposition entre le caractère heurté de la charge des buffles et la dérive de Mowgli dans les brumes grises du fleuve, par exemple. Semblant s’épanouir et s’affirmer de séquence en séquence, le cinéaste signe un film familial aux émotions universelles, simples mais denses, souvent déchirantes, sans jamais sacrifier ni la tension – chaque apparition de Shere Khan provoque une véritable décharge électrique – ni une certaine cruauté de l’imagerie. Ici, on meurt, souvent sans avoir pu dire adieu. On s’aime dans l’adversité et la peur de se perdre. Mais on s’allie aussi pour survivre, on se lie d’une amitié pure et instinctive. On tremble et on rit, parfois à quelques secondes d’intervalle. Seul gros bémol à cette réussite ? L’absence d’une musique originale digne de ce nom. Un comble quand on connaît l’empreinte laissée dans la pop culture par les chansons du dessin animé de 1967 – dont deux sont reprises ici. Rien qui n’entache pourtant l’ambition, la justesse et la générosité de ce LIVRE DE LA JUNGLE. On parie même que l’obsolescence programmée de ses prouesses techniques ne le privera pas de mûrir avec classe.

De Jon Favreau. Avec Neel Sethi et les voix d’Idris Elba, Bill Murray, Lupita Nyong’o, Ben Kingsley, Scarlett Johansson, Christopher Walken. États-Unis. 1h46. Sortie le 13 avril

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