LE MONDE DE DORY : chronique

17-06-2016 - 18:51 - Par

LE MONDE DE DORY : chronique

Lorsqu’Andrew Stanton regarde son sujet dans les yeux, il touche au sublime. Dommage qu’il le fasse trop peu.

Dory-Poster« Pas encore… Pas encore… », lance un Marin affolé lorsque, un an après les événements du MONDE DE NEMO, il constate que l’histoire va se répéter – cette fois, c’est Dory qu’il est sur le point de perdre. Quelques dizaines de minutes plus tard, un personnage lance à Dory que « le meilleur arrive toujours par hasard ». Ces deux répliques du MONDE DE DORY – l’une dans le premier acte, l’autre dans le dernier – semblent se répondre de manière méta. La première rappelle ironiquement que les ressorts de DORY se rapprochent dangereusement de ceux de NEMO – la saga DIE HARD jouait elle aussi de la répétition incongrue au centre de ses suites. La deuxième enfonce le clou plus cruellement, tant dans LE MONDE DE DORY rien ne semble le fruit du hasard ou d’une quelconque magie. Personne ne peut décemment imaginer que les films Pixar puissent être le résultat du hasard ou d’heureux accidents – ils sont bien trop complexes pour ça, notamment dans leur manière de parler à des publics de tous âges et de toutes origines, sans pour autant sacrifier leur singularité. Néanmoins, les meilleurs titres de la firme étonnaient justement pour leur capacité à dérailler, même de manière contrôlée, à sortir des sentiers battus, à déjouer les codes et les règles – on pense au montage résumant la vie de Carl et Ellie dans LÀ-HAUT ; au premier tiers muet de WALL-E ou aux délires psychédélico-métaphysiques de VICE-VERSA, notamment. Or, quelques mois après UN VOYAGE D’ARLO qui se permettait d’oser l’errance, le refus du rebondissement et du rythme à tout prix, LE MONDE DE DORY apparaît trop réfléchi, presque calculé, trop guindé et arc-bouté sur des rails de sécurité l’empêchant de décoller. Reposant sur une structure mécanique et répétitive – une épreuve, un flashback, une résolution –, le script concocté par Andrew Stanton ne réserve que peu de surprises. Tout est assez prévisible, rythmé par une succession excessive et contre-productive de rebondissements. En effet, à force d’avancer sans s’arrêter ou respirer, LE MONDE DE DORY sacrifie (presque) toute émotion. Le personnage de Hank, pieuvre aidant Dory dans son aventure, en est peut-être la preuve la plus flagrante. Là où le duo Marin/Dory fonctionnait merveilleusement dans NEMO parce que Stanton prenait le temps de définir avec soin leurs enjeux émotionnels intimes, l’association Hank/Dory peine car le réalisateur dresse un portrait superficiel de la pieuvre. Ses motivations sont compréhensibles, oui, mais sont trop simplistes et ne suscitent ainsi aucune réelle émotion, comme si Hank n’était qu’une béquille narrative insérée maladroitement dans le récit. LE MONDE DE DORY se révèle ainsi souvent laborieux et déjà vu – on avoue avoir pensé aux productions DreamWorks pré-DRAGONS. Mais si la déception est de mise, c’est aussi parce que LE MONDE DE DORY recèle de quelques trésors. En de rares instants, quand Stanton oublie tout souci d’efficacité, toute velléité à être mignon, quand il met de côté l’exaltation de l’aventure et qu’il regarde en face les traumas de son personnage-titre, il signe des séquences bouleversantes. Lorsqu’il tente de traiter son sujet – qu’est-on sans sa mémoire ? Est-on oublié si on oublie ? – et qu’il s’épanche sur la mélancolie, voire la franche tristesse de son héroïne, il renoue avec le brio de ses précédents films. Ces petits sursauts de grande tragédie ébranlent. Dommage qu’ils soient si rares.

D’Andrew Stanton. Avec les voix originales de Ellen DeGeneres, Albert Brooks, Ed O’Neill. États-Unis. 1h37. Sortie le 22 juin

2Etoiles5

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.