LE BGG : chronique

17-07-2016 - 10:46 - Par

LE BGG : chronique

Une orpheline se lie d’amitié avec un géant. LE BGG, adapté d’un roman de Roald Dahl, est un autoportrait bouleversant de Steven Spielberg.

BGG-PosterLa première image du BGG dévoile un décor connu et réel: Big Ben et les rives de la Tamise. La caméra se décale, s’approche du sol et enchaîne sur un décor de studio artificiel. En quelques secondes, Steven Spielberg nous invite à décaler nos regards, à passer de la réalité au conte. Cette intention, il va la concrétiser sans compromission, notamment en utilisant des technologies ultra modernes pour obtenir une esthétique finale surannée. La première partie du BGG s’avère extrême dans cette exécution, comme si le film lorgnait vers l’anachronisme, voire le franc mauvais goût. Steven Spielberg apparaît presque mal à l’aise avec l’univers outrancier de Roald Dahl. Pourtant, les passerelles entre les deux artistes sont là dès la première séquence : la rencontre entre Sophie et le BGG renvoie à celle entre Elliott et E.T. – la main du géant surgissant de rais de lumière rappelle comment E.T. sortait de la cabane de jardin. En dépit de son avalanche d’images évocatrices et de l’émotion souvent déchirante qu’il suscite, LE BGG apparaît ainsi parfois bancal – certaines scènes sont trop longues, l’humour maladroit. Steven Spielberg, trop fidèle au livre, ne parviendrait-il pas à faire sien le mythe Dahl ? Au contraire ! Au-delà de ses faiblesses clivantes, LE BGG se révèle passionnant et bouleversant comme objet théorique. Spielberg a toujours exorcisé ses peines et névroses à l’écran mais, depuis deux films, il va encore plus loin et utilise le cinéma comme miroir de son statut d’artiste: LINCOLN et LE PONT DES ESPIONS étaient, entre autres, des films sur l’élan de la fiction et sur son pouvoir de storyteller. LE BGG pousse cette phase à son paroxysme puisque le Géant du titre n’est autre que le cinéaste lui-même. Grâce à lui, Spielberg dresse son autoportrait, celui d’un homme « plus gauche que droit » qui, enfant, fut un souffre-douleur. Il faut voir le regard poignant, triste et apeuré du Géant quand ses congénères le martyrisent pour comprendre à quel point LE BGG vibre de sentiments très intimes. Mais au-delà d’un trauma, le Géant et Spielberg partagent le remède à leur souffrance, une résilience : ils sont des pourvoyeurs d’histoires, des alchimistes de rêves qui « entendent le merveilleux et le terrible ». Une magnifique scène montre qu’il suffit d’un saut dans l’inconnu pour accepter le merveilleux et sceller un pacte éternel avec autrui. LE BGG exalte cet appel au conte et au lien. Car, comme toujours chez Spielberg, espoir et noirceur coexistent. Tout comme E.T., scénarisé lui aussi par Melissa Mathison, LE BGG est une exploration des apprentissages de l’enfance : à l’instar d’Elliott, Sophie découvre que tout ce que l’on aime disparaîtra un jour. Comment y survivre ? En vivant pleinement. En rêvant. Sans les créateurs de songes, que ferait-on ?

De Steven Spielberg. Avec Mark Rylance, Ruby Barnhill, Rebecca Hall. États-Unis. 1h55. Sortie le 20 juillet

4Etoiles

 

 

 

 

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