PERSONAL SHOPPER : chronique

13-12-2016 - 12:10 - Par

PERSONAL SHOPPER : chronique

En refusant la patine artificielle des films d’horreur et en embrassant le réalisme, Assayas fait de l’épouvante parisienne.

shopper-posterMaureen (Kristen Stewart) a été embauchée pour fournir la garde-robe d’une star. Une activité lucrative pour subvenir à ses besoins du moment: la jeune femme squatte Paris en attendant que son jumeau, mort d’un arrêt cardiaque peu de temps auparavant, se manifeste depuis l’au-delà. Elle est médium et elle se rend dans l’ancienne maison de son frère pour convoquer son esprit. Mais le spectre qui apparaît n’a pas l’air d’être très bienveillant. Le film va dérouler le rapport violent que cette « présence » va nouer avec Maureen. PERSONAL SHOPPER, film de deuil difficile, bien sûr. Film de fantômes, évidemment. Mais surtout film d’horreur parisien qui joue la carte du réalisme et du contemporain. Assayas filme la ville comme il sait si bien le faire depuis ses débuts: avec vérité, la caméra rivée aux transports en commun ou au PMU du coin. Quartiers riches, quartiers popu: le regard que porte le metteur en scène sur la capitale n’a pas perdu de sa sincérité. Ses personnages vont sur YouTube, communiquent par SMS, sans que cette modernité ne soit jamais un frein à l’ésotérisme ambiant. L’intrusion de l’horreur est si crédible, si palpable, que la terreur est immédiate –d’ailleurs Assayas invente un compte à rebours par texto que n’auraient renié ni le ricaneur Wes Craven ni le terroriste de l’image Kiyoshi Kurosawa. Au fil du film, il enferme et corsette Kristen Stewart dans une peur bleue et pour autant libère un peu de sa dualité. Dans PERSONAL SHOPPER, on parle beaucoup d’altérité, de désincarnations, de dissociations. Alors qu’on redoutait qu’il évite soigneusement d’assumer son postulat de départ, pour opter pour la métaphore et l’atermoiement psycho- spirituel franchouillard et bourgeois, on est surpris, agréablement, de voir qu’Assayas se roule dans le film de genre sans complexe, avec ses effets visuels efficaces et un design sonore tonitruant, ses incartades sexe et sang, ses présences invisibles, ses parquets qui grincent et ses portent qui claquent. Production lo-fi, refus du spectaculaire, surnaturel du quotidien: PERSONAL SHOPPER fait aussi voler les verres et parle même de guéridons qui tournoient. De la médiumnité à l’ancienne pour un film pourtant très moderne, porté par une comédienne qui l’est tout autant. Kristen Stewart, dans ce rôle triste, apeuré et quasi mystique, montre qu’elle peut porter un film entier avec une force et une présence admirables. Le visage, d’une beauté irréelle, de ce personnage entre- deux-mondes s’illumine au final dans un fondu au blanc énigmatique et gracieux. Le film emporte avec lui de très jolis mystères.

D’Olivier Assayas. Avec Kristen Stewart, Lars Eidinger, Sigrid Bouaziz. France. 1h45. Sortie le 14 décembre

4Etoiles

 

 

 

 

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