ROGUE ONE – A STAR WARS STORY : chronique

13-12-2016 - 19:00 - Par

ROGUE ONE – A STAR WARS STORY : chronique

Soigné visuellement et parfois très spectaculaire, ROGUE ONE échoue sur l’écriture, bancale, et l’émotion, artificielle. Reste l’immense Donnie Yen, qui sauve la mise.

rogueone-posterEn secret, l’Empire Galactique vient de mettre au point une arme dévastatrice : l’Étoile de la Mort, dont la puissance de feu peut détruire une planète entière. À la demande de l’Alliance Rebelle, Jyn Erso (Felicity Jones), fille de l’ingénieur qui a conçu la station, va mener une mission pour tenter de déjouer les plans de l’Empire…

« Je n’aime pas l’inéluctabilité des prequels. Le fait qu’elles ne font que relier des points. L’idée des prequels de STAR WARS, par exemple, était de faire trois films qui, en gros, me disaient ce que je savais déjà. » En quelques mots, Damon Lindelof, créateur des séries LOST et THE LEFTOVERS, décrivait il y a quelques années tout ce qui ronge aujourd’hui le cœur de ROGUE ONE : sa prévisibilité que rien, dans l’écriture ou l’exécution, ne vient surmonter. Si l’on devait pointer du doigt le plus gros problème de ROGUE ONE, il serait là : jamais le film ne réfléchit à ce qu’il est, à savoir sa nature de prequel et de film STAR WARS. C’est ce qui, de séquence en séquence, grignote ses fondations pour rendre l’édifice bancal, décevant, voire inconséquent par moments.

ROGUE ONE ne manque pas d’ambition. Son intention première – prouver que STAR WARS peut se décliner dans d’autres genres, ici le film de guerre, que celui très codifié du canon mythologique – est des plus louables et, en partie, couronnée de succès. L’aspect parfois documentariste de la mise en image – caméra à l’épaule, montage heurté sans être surdécoupé, lumière au naturalisme subtilement travaillé – permet à ROGUE ONE d’avoir du souffle dans sa tentative de se différencier des précédents STAR WARS. Mais derrière ce voile, le film se révèle être une fausse nouveauté, revenant notamment à des stéréotypes très rassurants – Jyn Erso, par exemple, ne se définit que dans son rapport à l’homme, qu’il s’agisse de son père, son sauveur ou son collègue de rébellion. Le pan guerrier, s’il apparaît visuellement plus heurté et aligne quelques jolis plans iconiques (les AT-AT sur la plage pour ne citer que celui-là), ne propose pourtant rien de plus inédit que les batailles de Yavin, Hoth ou Endor vues dans UN NOUVEL ESPOIR, L’EMPIRE CONTRE-ATTAQUE et LE RETOUR DU JEDI, les sabre laser et la Force en moins. Et c’est un souci : loin de nous l’idée de réduire STAR WARS à son mysticisme et à ses moines samouraïs mais ROGUE ONE, privé des mythes constitutifs de son univers, peine à insuffler le moindre romanesque, le moindre sentiment d’exaltation ou de merveilleux à son récit.

ROGUE ONE court trop visiblement derrière un fantasme à deux têtes : celui du Nouvel Hollywood et celui du blockbuster « gritty » – le réalisme nolanien de THE DARK KNIGHT, pour simplifier. Il en ressort privé d’âme et peine à construire sa propre identité. On en revient au problème principal : ROGUE ONE n’assume jamais son statut de prequel d’un côté, de film STAR WARS de l’autre, et fait l’erreur, dans son écriture, de croire que le public n’a pas conscience des enjeux ou de ce qui constitue la sève même de la saga. Les personnages passent ainsi une bonne heure à courir derrière un lièvre qui n’est pas le bon. Problème : le public, lui, sait quel est le bon lièvre – les plans de l’Étoile de la Mort – et il le sait depuis le déroulant d’UN NOUVEL ESPOIR ! Tout film dont l’issue est connue doit compenser son inéluctabilité avec un élément plus fort que la conclusion de son récit : les personnages et leurs sentiments, seuls vecteurs potentiels d’émotion, de surprise, de découverte. Hormis le génial Chirrut Îmwe, campé par le non moins formidable Donnie Yen, véritable vecteur d’empathie, de magie et de cœur, les personnages sont prisonniers d’artifices d’écriture. Jamais caractérisés par l’action, la mise en scène ou la musique (ROGUE ONE est peut-être la partition la moins inspirée de Michael Giacchino avec celle de DOCTOR STRANGE) mais par des dialogues lourds assénés par des quasi figurants autour d’une table, les héros se révèlent inertes, engoncés dans des fonctions rigides, parfois incohérents – Jyn, sous couvert d’un caractère rebelle, n’évolue pas mais change de psychologie au bon vouloir du film. ROGUE ONE préfère dire que montrer, désincarnant ses protagonistes et rendant leurs relations extrêmement artificielles – le lien entre Bodhi et Galen, la relation inexistante de Jyn avec les membres de son équipe hormis Cassian et K2-SO.

ROGUE ONE compense le caractère erratique de son écriture dans ses trois derniers quarts d’heure avec une séquence de bravoure qui fait quelques choix intéressants et propose un spectacle plutôt efficace dans ses envies épiques. Une séquence toutefois trop longue car pas assez virtuose pour justifier sa durée et insuffisamment écrite pour développer quoi que ce soit de surprenant sur les personnages. ROGUE ONE est parfois prenant, jamais désagréable, mais jamais vraiment exaltant pour autant. Un produit globalement bien emballé, mais sans grande richesse théorique, thématique ou émotionnelle. Il est aussi une illusion de nouveauté et donne même la sensation de s’enferrer dans le passé – cf son dernier plan horrible et poussif, son incapacité à ressusciter de manière organique des figures légendaires de la saga, son imagerie très premier degré de la guerre du Vietnam quand la première trilogie, sur le sujet, jouait la carte de la métaphore.

De Gareth Edwards. Avec Felicity Jones, Diego Luna, Riz Ahmed, Donnie Yen, Jiang Wen, Alan Tudyk, Mads Mikkelsen, Ben Mendelsohn, Forest Whitaker. États-Unis. 2h10

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.