NOCTURNAL ANIMALS : chronique

04-01-2017 - 10:01 - Par

NOCTURNAL ANIMALS : chronique

Presque sept ans après le fulgurant A SINGLE MAN, Tom Ford fait un deuxième film comme un geste artistique foudroyant.

nocturnal-posterEn deux films, Tom Ford a créé une galerie de personnages aussi cohérente qu’attachante : des hommes et des femmes qui camouflent, comme par politesse, leurs états d’âme sous des allures élégantes et des manières distinguées. Après le mélo A SINGLE MAN, voici NOCTURNAL ANIMALS, psychodrame riche et brutal. Dans la peau de Susan, galeriste insomniaque et épouse bafouée, Amy Adams se noie sous les atermoiements très quadragénaires, presque nue sous de grands pulls en laine, le regard perdu à travers les baies vitrées de sa villa hors de prix. L’actrice joue au bord des larmes, se plongeant puis rejetant ce livre qu’elle passe le film entier à compulser avec fascination et dégoût. Ce livre, « Nocturnal Animals », c’est celui de son ex-mari, Edward (Jake Gyllenhaal), écrivain dont elle a moqué le manque de talent et d’implication avant de divorcer. Mais ce roman-là va atteindre une vérité qu’elle va prendre très personnellement. Car son ancien mari a imaginé un Néo-Noir chez les culs-terreux, un quasi-archétype de récit policier (avec un Michael Shannon parfait en cliché d’enquêteur), dans lequel une famille bien sous tous rapports, miroir à celle que Susan et Edward aurait pu être, est attaquée par un psychopathe (Aaron Taylor-Johnson) et sa bande. L’Amérique WASP salie par celle des rednecks. Ce n’est qu’un des nombreux antagonismes qui va permettre à Edward d’atteindre Susan en plein cœur. Le récit (scénaristique) d’un récit (littéraire) et le portrait de celui qui le lit : la mise en abyme peut avoir l’air grossière mais au contraire, elle est des plus raffinées, et dévoile, aidée également de flash-back, une cartographie des cruautés amoureuses ou, plus trivialement, humaines. Ce que nous raconte NOCTURNAL ANIMALS est assez simple – il parle d’un regret – mais en empruntant des voies plus sophistiquées – l’impardonnable et la laideur intérieure. Si Tom Ford parvient parfaitement à mettre son expérience dans la mode au profit du cinéma, c’est en cela : en habillant un thème assez banal de plein de « drama », en brodant autour du « rien » une tragédie très sérieuse, sans aucun second degré, sur la dignité. NOCTURNAL ANIMALS est un film perfectionniste qui ne montre ni ne dit rien au hasard. Une beauté de forme, presque une fierté esthétique, qui fait croire qu’elle dompte l’émotion. Mais ce thriller, qui lorgne sur Hitchcock comme sur Jennifer Lynch, orchestre un affrontement entre le cérébral et le sentimental et en faisant du cinéma comme on affronte un inextricable problème, lui permet d’être le reflet de la vie. Un reflet à la fois désirable, étrange, affligé et sale. Déformant et pourtant très fidèle.

De Tom Ford. Avec Amy Adams, Jake Gyllenhaal, Aaron Taylor-Johnson. États-Unis. 1h57. Sortie le 4 janvier

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