UN JOUR DANS LA VIE DE BILLY LYNN : chronique

31-01-2017 - 21:16 - Par

UN JOUR DANS LA VIE DE BILLY LYNN : chronique

Même amputé de son format – HFR et 3D –, le nouveau Ang Lee reste une leçon de mise en scène et une expérience dévastatrice.

Billy-Lynn-PosterDe jeunes soldats américains sont fêtés par leurs compatriotes pour leur héroïsme en Irak lors d’une tournée dont le point d’orgue doit être le spectacle de mi-temps d’un match de foot. « Ton histoire ne t’appartient pas. Elle appartient à l’Amérique », dit-on au héros-titre d’UN JOUR DANS LA VIE DE BILLY LYNN. Après avoir décortiqué les mécanismes narratifs comme armes de survie et de résilience dans L’ODYSSÉE DE PI, Ang Lee se confronte au rouleau compresseur qu’est le storytelling de l’American Way of Life. Les films de guerre suivent généralement un processus de déshumanisation des soldats pour témoigner de leur souffrance et ainsi partager avec les spectateurs une horreur qu’ils ne connaîtront sans doute jamais. Dans BILLY LYNN, Ang Lee opte pour une trajectoire inverse : à chaque scène, sans travestir leurs cicatrices, il n’a de cesse de renforcer l’humanité de ses soldats, qu’il confronte à la bizarrerie grotesque et vampirisante de ceux qui les honorent sans réellement les comprendre. Pour mettre le spectateur dans la tête de Billy, Ang Lee a tourné à 120images/seconde, en 4K et en 3D – malheureusement, le film ne sera pas visible ainsi en France. « Malheureusement », parce que le cinéaste bâtit une mise en scène minutieuse, pensée pour que la technologie décuple l’immersion: la lumière et l’étalonnage jouent la carte du naturalisme, sans stylisation, tandis que Lee multiplie les gros plans sur les visages ou les dialogues en regards caméra. Le montage instaure des transitions et des insertions folles faites pour la fluidité du HFR. Littéralement, Ang Lee fait de l’écran une fenêtre vers le monde de Billy et de ses émotions. Le prodige? Même en 2D et 24 images/seconde, cet édifice fonctionne, immerge et bouleverse – peut-être parce qu’il est hors des codes et qu’il repose sur le regard troublé du superbe Joe Alwyn. Contre cette Amérique du mauvais goût, du mélange malsain des genres, des fascinations morbides, Ang Lee dégaine un morceau de cinéma qui déconstruit les piliers et artifices constitutifs de la culture américaine triomphante. Parfois non sans humour, grâce à Garrett Hedlund. Certaines scènes poussent le bouchon – celles avec la cheerleader, notamment. Mais d’autres s’inscriront au panthéon de la décennie, comme l’incroyable séquence du spectacle de mi-temps, monument visuel et sonore où des émotions contraires se télescopent jusqu’au vertige – celui de Billy et le nôtre. À la fois sentimental et à charge, BILLY LYNN se veut aussi contradictoire que l’Amérique qu’il filme, qu’il aime, qu’il méprise. Sans doute le meilleur Ang Lee, ce qui n’est pas peu dire.

D’Ang Lee. Avec Joe Alwyn, Garrett Hedlund, Vin Diesel, Kristen Stewart. États-Unis. 1h50. Sortie le 1er février

4etoiles5

 

 

 

 

Pub
 
 

Les commentaires sont fermés.