SILENCE : chronique

07-02-2017 - 19:14 - Par

SILENCE : chronique

Écrasant par sa beauté, sa gravité et sa violence, SILENCE est l’un des grands chefs-d’oeuvre de Martin Scorsese.

Silence-PosterUn long-métrage suivant deux prêtres portugais en terre japonaise – où la chrétienté n’est pas tolérée–, réalisé par un homme qui, plus jeune, a pensé à rentrer dans les ordres? N’est-ce pas là le risque de se fader 2h40 de prêchi-prêcha catholique ? Voire de propagande vantant les bienfaits de la catéchisation? SILENCE n’a pas les atours blasphématoires de LA DERNIÈRE TENTATION DU CHRIST, il est une douce musique aux oreilles de l’Église, dont les fidèles ont été, comme d’autres croyants d’autres religions, persécutés. C’est ce que raconte dans les faits Martin Scorsese : le père Rodriguez (Andrew Garfield) et le père Garupe (Adam Driver) partent à la recherche du père Ferreira (Liam Neeson) qui, dans une missive, assure avoir renié sa foi. Pour en avoir le cœur net, ses deux disciples partent au Japon, que leur mentor était parti évangéliser, et arpentent un pays où le catholicisme est une pratique clandestine. La religion est au centre de SILENCE, mais Martin Scorsese, jamais prosélyte, la filme plutôt comme un réseau résistant au sein d’un régime spirituel oppressif. Les messes interdites, les signes religieux cachés, la pratique amatrice qui s’organise… Rodriguez et Garupe sont accueillis en sauveurs par des villageois dont la foi est encore plus grande de ne pas être entretenue par l’Église : SILENCE ne parle pas tant de religion que de croyance et de doute. Grand récit d’un chemin de croix, le film s’attache à tenter Rodriguez, inflexible, et à le torturer pour mesurer son engagement, en l’opposant notamment à Kichijiro (Yosuke Kubozuka), jeune paysan qui ne cesse de piétiner sa religion à chaque arrestation pour mieux chercher l’absolution auprès du Portugais. La conviction ancrée au plus profond de lui, ce personnage vient défier l’instinct de survie des croyants forcenés. S’il cristallise la puissance et la détermination du film, ce faux idiot et faux faible est peut-être ce qu’il y a de plus Kurosawa chez ce Scorsese, qui a par ailleurs emprunté à son aîné japonais ces lourds brouillards rampant dans les villages ou ces cadres ultra-composés riches d’une myriade de visages – le parallèle entre les deux cinéastes est d’autant plus facile à faire que la monochromie de SILENCE lui confère des airs de noir et blanc. Le film de Scorsese, dénué de musique, est d’une aridité sublime ; son rigorisme et sa précision sont bouleversants. Ses outrances – dans la violence, dans la solennité – sont tout ce qu’il s’autorise d’exaltation. SILENCE n’est jamais un film d’extase, c’est un film de questionnement, d’introspection, de conviction, qui exige du public une concentration et une dévotion éperdues. Du cinéma comme une cérémonie.

De Martin Scorsese. Avec Andrew Garfield, Adam Driver, Yosuke Kubozuka. États-Unis. 2h40. Sortie le 8 février

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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