Une facture très hollywoodienne n’empêche pas LES FIGURES DE L’OMBRE d’être un film important, très ancré dans l’époque.
À première vue, LES FIGURES DE L’OMBRE pourrait être l’héritier de LA COULEUR DES SENTIMENTS : même reconstitution proprette – avec le bon modèle de voiture rétro, la bonne jupe plissée, le bon brushing –, même goulot d’étranglement narratif vers la fraternité, même image lumineuse pour contrer tout misérabilisme. Pourtant, là où le film de Tate Taylor (produit par Disney) croulait sous la guimauve, LES FIGURES DE L’OMBRE résiste à toute mièvrerie mal placée grâce à la force de son récit et l’interprétation puissante de son trio de tête. Le verbe haut, Taraji P. Henson, Octavia Spencer et Janelle Monáe nous donnent une leçon d’Histoire. Elles jouent trois grosses têtes de la science que les règles ségrégationnistes d’alors ont cantonné à des menus travaux de calcul. Jusqu’au jour où la NASA décide d’envoyer Scott Glenn en orbite mais bute sur des équations impossibles. Nos trois ladies montent au créneau. Hello l’Amérique ! C’est pas le racisme qui va vous envoyer en l’air, ce sont les Américains. Tous les Américains. Sous le regard d’une superviseuse dubitative et rigide (Kirsten Dunst, presque rigolote en docile servante du règlement), l’une, Dorothy Vaughan (O. Spencer), va monter une équipe de geekettes de l’informatique, l’autre, Mary Jackson (J. Monáe), va pousser l’ingénierie dans ses retranchement et entamer une démarche inédite pour une jeune femme africaine-américaine, et la dernière, Katherine Goble Johnson (T.P. Henson), va parvenir à assurer la sécurité du premier astronaute à effectuer un vol orbital autour de la Terre. Vous trouvez ça tarte, voire tiré par les cheveux ? Dommage, parce qu’à quelques détails près, c’est ce qui s’est réellement passé. L’Histoire les avait simplement écartées des manuels et LES FIGURES DE L’OMBRE répare cette inconcevable erreur. Avec force bonne humeur, le film les érige en héroïnes de la matière grise et, à leur manière, des droits civiques. Elles représentaient un contre- pouvoir salvateur à la domination des hommes, blancs, qui régnaient en seuls maîtres sur les 60’s. LES FIGURES DE L’OMBRE rappelle à quel point une femme intelligente, qui travaillait et s’assumait, pouvait susciter l’admiration mais aussi l’insécurité au sein même de sa propre famille. On ne dit pas que tous les dialogues sont d’une grande finesse, ni que le film éblouit par ses idées de mise en scène, encore moins que le récit ne cède pas à quelques facilités. Mais Theodore Melfi, le réalisateur, a su exploiter au maximum le potentiel de l’histoire et de son casting. Un film féministe, pédagogue et exaltant.
De Theodore Melfi. Avec Taraji P. Henson, Octavia Spencer, Janelle Monáe. États-Unis. 2h06. Sortie le 8 mars
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