MOTHER ! : chronique

05-09-2017 - 21:06 - Par

MOTHER ! : chronique

MOTHER ! joue autant l’emphase que le mystère. Pour Aronofsky, un film-somme. Pour le spectateur, une expérience démente.

Une des affiches de MOTHER! rend un hommage non dissimulé à celle de ROSEMARY’S BABY. Au- delà des passerelles thématiques qui les lient – le regard d’une femme et du monde sur son corps nourricier et ses éventuels élans maternels –, les deux films partagent un souffle faussement éthéré, vibrent d’une grande inquiétude. Dans la filmographie de Darren Aronofsky, cinéaste aux films tour à tour romantiques, tourmentés, conceptuels, engagés, charnels, spirituels, MOTHER! prend les atours d’un film-cerveau anxieux et anxiogène qui, en un peu moins de deux heures, embrasse une foule de thèmes, suit une multitude de pistes, use sans s’excuser de symbolisme et d’images-chocs, suscite une avalanche d’interprétations possibles – qu’elles soient féministes, écolos, politiques, religieuses. Une sorte de bilan de toutes les névroses qui sous-tendent son cinéma depuis PI et qui trônerait ainsi au centre de sa carrière, se ramifierait à rebours vers ses autres films, un peu comme la maison de MOTHER ! s’ouvre sur un atrium et un grand escalier qui distribuent de nombreuses pièces aux promesses mystérieuses. Cette bâtisse, Aronofsky et son chef opérateur Matthew Libatique en font un espace autant palpable et remarquablement spatialisé qu’extrêmement étrange et onirique. Les personnages s’y perdent, se tapissent dans les coins ou s’en saisissent brutalement. Engagés dans un ballet malsain, ils dansent autour de la protagoniste, jeune femme dévorée par un mal indéchiffrable. Complexe proposition narrative et esthétique – un 16 mm granuleux en 2.35, une caméra en perpétuel mouvement, des compositions resserrées, une palette de valeurs de plans limitée –, MOTHER ! ne fait pas que filmer Jennifer Lawrence comme personne auparavant: il invite à se perdre dans un dédale malaisant d’émotions, d’intentions, de messages. Certes, Aronofsky trébuche parfois, la richesse incroyable de son film jouant par moments contre lui – un segment très spécifique du troisième acte, fait de bruit, de fureur et d’allégories politiques puissantes, se fait sans doute un poil trop nébuleux à la première vision pour être appréhendé comme il se doit et intégré avec fluidité au récit. Mais, à la fois vénéneux comme BLACK SWAN, jusqu’au-boutiste comme REQUIEM FOR A DREAM, sibyllin comme PI, hanté par l’idée d’absolu comme THE FOUNTAIN, mu par la même humanité que THE WRESTLER et des vues complexes sur la foi (religieuse ou païenne) comme dans NOÉ, MOTHER ! est, dans son ambition et son exécution, un film total. Sans doute un jalon dans la carrière de Darren Aronofsky.

De Darren Aronofsky. Avec Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris. États-Unis. 1h55. Sortie le 13 septembre

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