ÇA : chronique

06-09-2017 - 15:09 - Par

ÇA : chronique

Vingt-sept ans après le diptyque de téléfilms diffusés sur ABC, le roman « Ça » de Stephen King est à nouveau adapté. Un film à la hauteur du maître de l’horreur et de son génie pour rendre compte des terreurs de l’enfance.

Le cinéma d’horreur moderne fonctionne souvent sur la base d’effets de sursaut ou de manifestations surnaturelles, mais souvent les victimes sont-elles passives. Dans les plus grandes réussites du genre, elles sont pourtant actives dans leur propre terreur. Dans ROSEMARY’S BABY, CARRIE ou SHINING, les personnages génèrent l’horreur autant qu’ils la subissent, leur identité est indissociable du dispositif de l’horreur mis en œuvre et le monstre entre en résonance de manière profonde et viscérale avec une peur, un trauma, une névrose. C’est en cela que ÇA tire son épingle du jeu dans le panorama actuel. Avant d’être un film d’horreur, c’est un drame sur la violence subie et la violence infligée ; son boogeyman est d’abord un symbole, un miroir grossissant. L’adaptation d’Andy Muschietti respecte parfaitement le roman de Stephen King, qui utilise la peur à des fins de tragédie psychologique. À Derry, ville maudite du Maine, des collégiens sont assaillis par Pennywise, un clown qui vit dans les égouts et qui a déjà fait disparaître plusieurs enfants, dont Georgie. Son frère, Bill, est persuadé qu’il est encore en vie. Le temps des grandes vacances, lui et ses copains vont partir à sa recherche et, dans leur quête, se nouer d’amitié avec la jeune Beverly et Mike, orphelin. Ce sont des gosses sensibles que la vie ne ménage pas. Qu’ils aient des parents abusifs, qu’ils soient terrorisés par de petits bullies ultraviolents, qu’ils souffrent de névroses de leur âge ou de chagrins dont ils ne peuvent se débarrasser, la douleur de leur existence est terrible. Ensemble, ils vont affronter ce monde d’adultes impitoyable et retrouver un peu de leur innocence, connaître leurs premiers émois amoureux et subir les premiers signes de la puberté. Et Pennywise, manifestation excessive et extravagante de leurs pires peurs, va les terroriser. Quand le clown s’en prend à Beverly, qui vit ses premières règles et attire les regards concupiscents de vieux dégueulasses, il déchaîne un tourbillon de sang et de torture mentale… que seuls nos jeunes losers, aux cœurs meurtris, peuvent laver au son des Cure. ÇA ne lésine jamais sur la violence graphique, ni sur celle des situations : tout le film consiste à renvoyer le spectateur à son état d’enfant apeuré, angoissé, incompris, assailli de questions et de peine. Andy Muschietti refuse donc les jumpscares, au profit d’images terrifiantes ; il fait de l’horreur en plein jour et même quand il plonge son film dans l’obscurité, c’est toujours plus par défaut (une partie de ÇA se déroule dans les cloaques de la ville) que pour boursoufler les effets de peur. Pennywise se tapit rarement dans le noir, il préfère surgir, hurler, baver et menacer avec des mots assassins, attaquer en géant, en taille réelle, en version pop up, muté sous la forme d’un dessin (dans ces cas-là, le film emprunte effectivement à l’imagerie du film d’horreur moderne « à la » CONJURING) ou greffé comme un parasite à l’esprit d’un vivant. Il gesticule et ricane, comme le clown terrifiant qu’il est, filmé avec inventivité et un goût prononcé du symbole par un réalisateur et un chef opérateur inspirés. « It’s summer, we should be having fun », se désespère Stan. À la place, ils vont vivre la pire et la plus grande aventure de leur vie. Face à Pennywise, nos sept gamins à vélo (joués par sept acteurs très impressionnants) font ce pacte à la vie à la mort de ne jamais flancher devant la monstruosité du monde. La poésie, pure ou morbide, de ÇA fait de lui un très grand récit d’apprentissage et, ce qui ne gâte rien, un excellent film d’horreur.

D’Andy Muschietti. Avec Bill Skarsgård, Jaeden Lieberher, Sophia Lillis, Jack Dylan Grazer, Jeremy Ray Taylor, Wyatt Olef, Finn Wolfhard, Chosen Jacobs, Nicholas Hamilton. États-Unis. 2h15. Sortie le 20 septembre

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