3 BILLBOARDS : chronique

17-01-2018 - 14:08 - Par

3 BILLBOARDS : chronique

Frances McDormand, Woody Harrelson et Sam Rockwell dans une chronique de l’Amérique, sa justice et sa morale.

En trois films, l’Anglais Martin McDonagh a doucement apprivoisé le cinéma américain. D’abord il en a emprunté les codes pour son euro-thriller BONS BAISERS DE BRUGES ; ensuite, il a réalisé une comédie californienne – 7 PSYCHOPATHES – en la saupoudrant d’euro-trash ; enfin, aujourd’hui, il s’attaque au pur western moderne et bouseux avec 3 BILLBOARDS… non sans garder avec l’Amérique une distance qui lui permet d’être dans l’observation franche et brutale du pays. Il s’autorise un humour malaisant, la grossièreté, mais jamais la vulgarité. Car si McDonagh juge avec violence l’Amérique, il n’en garde pas moins une grande affection pour ses personnages. Il ne rit jamais d’elle à ses dépens. Chaque éclat de rire est un peu tragique. Dès ses prémices, le film sonne terriblement juste : à Ebbing, dans le Missouri, Mildred (Frances McDormand) va louer trois panneaux publicitaires grâce auxquels elle va mettre en accusation Willoughby, le shérif de la ville (Woody Harrelson). La fille de Mildred a été violée et assassinée, mais personne n’a jamais été arrêté. Pour obtenir justice, Mildred, dont le cœur s’assèche de jour en jour, ne fera pas dans le sentiment. Sa souffrance est bouleversante mais ses allures de vigilante en salopette, aux répliques cinglantes et à la main leste, sont désopilantes. Une galerie de personnages folkloriques va l’aider dans sa quête de coupable, en échange de regards noirs et d’insultes, mais toute la magie du film est là : malgré son comportement odieux, et même si elle n’est pas tout à fait défendable, connaître Mildred est un privilège. Car par son extraordinaire entêtement et par sa manière aveugle de se tenir droite face aux autorités, Mildred est le symbole de l’Amérique oubliée qui se révolte. L’analogie n’est pas finaude – surtout quand Martin McDonagh rassemble dans le cadre une femme d’un certain âge, un Afro-américain et une personne de petite taille (Peter Dinklage, formidable) face à un flic aussi bête que méchant (Sam Rockwell). Mais elle a un pouvoir ultra- galvanisant. 3 BILLBOARDS gronde d’une colère immense, contre le racisme, l’injustice, l’indifférence et la misogynie qui gangrènent le pays. McDonagh filme les patelins américains parfois jusqu’à la caricature en laissant craindre une apologie de la justice sauvage. C’est son côté punk qu’il laisse infuser dans la philosophie des culs terreux… Mais jamais, il ne laisse les bas instincts prendre le dessus et il rattrape toujours ses embardées populistes avec un humanisme habile et malicieux. Fort en gueule, retors, 3 BILLBOARDS a surtout beaucoup de cœur et pas moins de jugeote.

De Martin McDonagh. Avec Frances McDormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell. É-U/G-B. 1h55. Sortie le 17 janvier

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