JUSQU’À LA GARDE : chronique

07-02-2018 - 10:36 - Par

JUSQU’À LA GARDE : chronique

Le premier long-métrage de Xavier Legrand est aussi le premier grand film français de l’année. Une époustouflante révélation.

Les films français sociaux et réalistes font toujours un peu peur. On se demande si le propos ainsi que notre imposante et littéraire langue ne vont pas supplanter le cinéma. Mais comme Ken Loach n’a jamais transigé sur la fiction pour le bien de la politique, Xavier Legrand évite le piège principal qu’il s’est lui-même tendu avec son sujet, la violence conjugale. Le film n’est pas un film-prospectus, une longue réclame pour un numéro vert. C’est du grand cinéma. JUSQU’À LA GARDE se place dans la continuité de son court-métrage AVANT QUE DE TOUT PERDRE. C’est à double tranchant. Ceux qui ont vu ce film de 30 minutes nommé aux Oscars en 2014 saisissent tout de suite quel genre de relation unit Miriam Besson (Léa Drucker, toujours sans ego, dévouée toute entière à son personnage) et son ex-mari Antoine (Denis Ménochet, qui trouve un rôle à la démesure de son talent) et ce qui les a menés là, devant le juge aux affaires familiales (Saadia Bentaïeb, 120 BPM). L’une veut la garde exclusive de ses enfants, l’autre exige un droit de visite correct se défendant d’être l’ogre qu’on dit. Ceux qui n’ont jamais vu AVANT QUE DE TOUT PERDRE n’ont, comme la juge, que les plaidoyers des avocats et le regard des parents pour essayer de comprendre où est la vérité. C’est toute l’intelligence de Xavier Legrand : il fait du cinéma social mais par le truchement du film de genre. Plus exactement le film à suspense familial. Comme dans tout chef-d’œuvre du thriller psychologique, le travail sur le cadre est donc d’une précision redoutable, le boulot effectué sur le son d’une intelligence incroyable. Il faut être un drôle d’expert de la vie, un sacré analyste de l’humain, pour maîtriser à ce point l’impact d’effets de cinéma sur le spectateur, et le potentiel cinématographique du réel. Parce qu’il a entre les mains des acteurs surdoués pour transmettre l’émotion, Xavier Legrand peut se permettre d’assourdir leurs dialogues sous de la musique (diégétique) trop forte, oser la force du cinéma muet, la mêler au cinéma des années 70 et tout faire exploser sous une tension du diable. Alors qu’il met en place le dispositif quasi- militaire d’une famille pour se protéger du mal, le film prend un rythme martial, dégraissé de tout sentimentalisme déplacé. Pas étonnant que le film fini soit celui qu’il avait storyboardé: la détermination visuelle et narrative de ce metteur en scène nous a mis par terre. JUSQU’À LA GARDE culmine dans un final monstrueux, où la puissance du cinéma d’horreur vient rencontrer la chronique française. C’est exceptionnel.

De Xavier Legrand. Avec Léa Drucker, Denis Ménochet, Mathilde Auneveux. France. 1h33. Sortie le 7 février

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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