THE RIDER : chronique

28-03-2018 - 09:57 - Par

THE RIDER : chronique

Les maladresses du premier film de Chloé Zhao nous avaient laissés de marbre, mais ce THE RIDER-là nous a mis par terre.

À mi-parcours, entre un début et une fin qui rivalisent de poésie, d’émotions et de sensations, THE RIDER bégaye un peu. Chloé Zhao aligne plusieurs scènes dans lesquelles son héros, Brady, apprivoise des chevaux sauvages, pour le compte d’éleveurs inquiets de ne rien pouvoir en faire. Le jeune homme y répète les mêmes gestes d’apaisement, fermes mais bienveillants, sur des bêtes méfiantes. À chaque fois, Brady arrive à ses fins, en faisant comprendre aux chevaux qu’ils peuvent s’assagir et rester libres. C’est ce même dilemme qui tourmente ce cow-boy triste: petite gloire locale du rodéo, Brady a eu un accident grave. Une commotion cérébrale, une plaque de métal dans la tête et une interdiction formelle de monter à cheval plus tard, Brady est à un carrefour de sa vie. Peut-il rester lui-même et faire le deuil de ce qui constitue profondément son identité? Coincé entre ses copains, tous cavaliers dans la force de l’âge, et Lane, son meilleur ami devenu polyhandicapé à la suite d’un rodéo qui a très mal tourné, Brady s’interroge. Chez les Lakotas, la communauté indienne d’adoption de la réalisatrice chinoise Chloé Zhao – avec qui elle a également tourné son premier long- métrage LES CHANSONS QUE MES FRÈRES M’ONT APPRISES –, des parcours spirituels aussi difficiles que celui de Brady passent par le silence et une indicible peine intérieure, un dialogue permanent et télépathique avec la mort. Lorsque Brady remonte pour la première fois sur un cheval après le drame, dans une sublime cavalcade à toute vitesse, l’instinct de mort se confond avec l’instinct de vie devant la caméra d’une réalisatrice qui saisit les menaces autant que la beauté des grands espaces du Dakota. THE RIDER est un post-western où les Indiens sont les derniers cow-boys d’une nation de natifs abîmée mais résistante. Celle-ci ne sait pas vivre autrement qu’en harmonie avec les badlands et les bêtes, comme seule sur Terre. Jamais Chloé Zhao ne filme le monde extérieur, les écrans diffusent en circuit fermé des images de rodéo, chacun est l’ami d’enfance ou le frère de l’autre, et n’ira jamais plus loin en voiture qu’il ne le pourrait à cheval. Le film plonge dans une communauté qui se suffit à elle-même et où chaque obstacle est une tragédie qu’on affronte dignement, en acceptant son chagrin. La réalité des Lakotas dialogue en permanence avec la fiction de Zhao mais les images sublimes transcendent largement l’aspect docu-fiction. Ce Brady, beau, pensif, affligé, est comme le symbole de l’Amérique qui s’interroge sur son caractère indomptable et son invulnérabilité. Il est surtout un grand héros de cinéma.

De Chloé Zhao. Avec Brady Jandreau, Tim Jandreau, Lane Scott. États-Unis. 1h45. Sortie le 28 mars

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