SPIDER-MAN – NEW GENERATION : chronique

11-12-2018 - 10:53 - Par

SPIDER-MAN : NEW GENERATION : chronique

On pensait Spider-Man usé jusqu’à la corde par des live action inégaux. On avait tort. NEW GENERATION redonne tout son lustre à l’Araignée dans un film animé pop art, visuellement inventif, intelligemment post-moderne, hilarant et poignant.

 

Dans son premier long-métrage, LES CINQ LÉGENDES, Peter Ramsey avait brillamment appliqué le monomythe campbellien aux légendes de l’enfance. Pour son deuxième film, co-réalisé avec Bob Persichetti et Rodney Rothman, il use du même schéma – voire du même déroulé narratif –, cette fois pour réexplorer le cœur constitutif d’un héros majeur de la culture pop : Spider-Man. L’intelligence première de ce NEW GENERATION, produit par Phil Lord et Chris Miller, est de ne pas donner le rôle central à Peter Parker mais à Miles Morales, adolescent de Brooklyn, fils d’un policier afro-américain et d’une infirmière portoricaine. Alors que New York subit régulièrement de bien étranges séismes, Miles, qui tague un mur du métro avec son oncle, est piqué par une araignée semblant venir d’un autre monde. Bientôt doté de pouvoirs qu’il croyait réservés à Spider-Man, il découvre que des portes entre des dimensions parallèles ont été ouvertes par un super-méchant, attirant dans son univers diverses incarnations de l’Araignée…

En décalant son regard de Parker à Morales, en faisant du premier le mentor du second, NEW GENERATION effectue d’un côté un pur acte de transmission – textuel et métatexuel –, ouvrant Spider-Man à de nouveaux contextes sociaux, politiques et familiaux ; et de l’autre, conte la genèse de l’Araignée en offrant un point de vue original sur ses passages obligés. Mieux, l’idée de multivers permet une infinité de possibilités de relectures et de transformations, plus ou moins radicales et surprenantes, de l’œuvre matricielle – le genre d’un super-vilain change, par exemple. Résolument post-moderne, extrêmement joueur avec le leg fictionnel dont il hérite, NEW GENERATION parvient à commenter et déconstruire les codes du Spider-verse sans sombrer dans la dérision agaçante de DEADPOOL. Puisque « Tout le monde peut porter le masque » – un mantra que le film met en pratique littéralement avec ses Spider-Personnes incarnées par des enfants, des femmes et des hommes de toutes origines –, le spectateur se retrouve immédiatement impliqué, émotionnellement complice des héros.

D’autant que cette envie de jouer avec les règles de son univers et de les triturer, NEW GENERATION l’insuffle également à ses mécanismes de mise en scène. Convoquant une esthétique de vieux comics (points, lignes, défauts d’impression etc.) qui renvoie au pointillisme de Roy Lichtenstein et plus largement au Pop Art (bulles apparentes, onomatopées inscrites à l’écran etc.), Ramsey, Persichetti et Rothman réinjectent innovation et imaginaire dans le comic book movie. NEW GENERATION y trouve une liberté rafraîchissante, parfois jusqu’à l’expérimentation – arrière-plans dédoublés ou étrangement flous ; jeux sur les perspectives, l’horizontalité et la verticalité ; accès psychédéliques ; incroyable score de Daniel Pemberton allant du symphonique au hip-hop en passant par le jazz et la musique concrète. Une richesse qui a la suprême élégance de ne pas servir vainement sa propre virtuosité mais des personnages, un récit et ses émotions. En son cœur, NEW GENERATION reste avant tout une aventure d’amitié et d’héroïsme, une quête d’identité et une recherche d’altérité, un conte initiatique touchant, un drame familial poignant. Naviguant du rire aux larmes, du méta au premier degré, NEW GENERATION prouve, tonitruant, que le genre super-héroïque n’est pas voué à une ornière d’uniformisation.

De Peter Ramsey, Bob Persichetti, Rodney Rothman. Avec les voix originales de Shameik Moore, Hailee Steinfeld, Jake Johnson, Nicolas Cage, Bryan Tyree Henry, Mahershala Ali. États-Unis. 1h50. Sortie le 12 décembre

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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