CHAMBRE 212 : chronique

09-10-2019 - 09:35 - Par

CHAMBRE 212 : chronique

Christophe Honoré signé un vaudeville fantaisiste tout ce qu’il y a de plus enlevé, réjouissant et profondément touchant.

 

Un soir, Maria quitte son mari et s’installe dans un hôtel. Le doute sur sa décision l’étreint lentement… Voilà un drôle de film. Magique et lumineux comme peut l’être du pur cinéma, joyeux comme une récréation, émouvant et juste comme la confession d’un ami. Un film inattendu qui feint la légèreté fantaisiste pour mieux nous choper au cœur. Surtout, une œuvre jubilatoire où spectateurs, comédiens et réalisateur semblent s’amuser de concert. Christophe Honoré joue ici avec les codes du vaudeville, ouvre grand les portes du cinéma de chambre pour y faire entrer un grand vent frais. Géniale héroïne, Chiara Mastroianni donne le ton dans une séquence liminaire qui déjoue les codes de la maîtresse dans le placard. On rit, on s’étonne. C’est moderne, efficace, malin, à l’image de ce personnage féminin libre. Versant comique du sombre et déchirant NON MA FILLE TU N’IRAS PAS DANSER, CHAMBRE 212 questionne le droit à la frivolité avec appétit et gourmandise. Autopsie d’un couple, examen de conscience d’une amoureuse, le film entrecroise les temporalités et les identités par le biais d’une folle nuit magique où celui qu’on aimait rencontre celui qu’il est devenu, où les amours de jeunesse viennent réclamer leur dû et où un sosie de Charles Aznavour peut jouer le rôle de votre conscience. Sur le papier, ça sonne foutraque. À l’écran, c’est un délice. Parce que Honoré prend la fantaisie pour ce qu’elle est, un miroir dans lequel se regarder. Alors sa mise en scène, délicatement artificielle, naviguant entre les huis clos de studio et les décors réels, orchestre le ballet de son quatuor d’acteurs avec une maestria réjouissante. On prend plaisir à voir Benjamin Biolay jouer les patachons romantiques, à redécouvrir encore et encore Vincent Lacoste, parfait en souvenir de jeunesse, à savourer la délicatesse mélancolique de Camille Cottin et la modernité de Chiara Mastroianni. Tout ce beau monde se court après, s’engueule, disserte sur le couple dans un improbable télescopage cinéphilique entre Woody Allen, Bertrand Blier, Michel Gondry et les quadrilles amoureux de Sacha Guitry. Un amour du texte et du théâtre couplé à celui du cinéma qui célèbre et invente un espace où l’on a encore le droit de ne pas être sérieux. En somme, un Honoré joyeux mais qui n’a rien perdu de la précision de son regard pour raconter nos bordels intérieurs. Emporté par son élan romanesque, le film retombe sur ses pattes avec une douceur déchirante. Derrière le vaudeville, la fin d’un amour et du faire semblant. Cette récréation était un adieu, avec le sourire. Les vrais amoureux se doivent au moins ça.

De Christophe Honoré. Avec Chiara Mastroianni, Vincent Lacoste. France. 1h27. Sortie le 9 octobre

4Etoiles

 

 

 

 

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