Tim Burton, bien au-delà du pire, mais en-deçà du meilleur.
EDWARD AUX MAINS D’ARGENT, BEETLEJUICE, BATMAN, ED WOOD ou BIG FISH bien rangés dans la catégorie « classiques » du 7e art, Tim Burton a, depuis, relâché la tension. Autant dire que CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE et ALICE AU PAYS DES MERVEILLES nous ont laissés exsangues, comme après une overdose de sucre. De ce cinéma hystérique et artificiel, nous ne retenons que l’acharnement du réalisateur à livrer des « films pas comme les autres ». DARK SHADOWS, lui, se love confortablement entre les meilleurs longs-métrages du maître et les plus popu-lassants. Dans l’ordre, on mettra la première demi-heure au Panthéon des introductions les plus réussies et visuellement bouleversantes. La genèse de la malédiction de Barnabas (Johnny Depp) et l’arrivée de la new- yorkaise Victoria (Bella Heathcote) à Collinsport, ville portuaire bâtie naguère sur le seul commerce de la pêche, initié par la famille Collins, conférent au film un romantisme merveilleux. Puis, vient l’heure des présentations avec les membres déglingos du clan aujourd’hui désargenté, menacé par les fomentations diaboliques d’une concurrente : DARK SHADOWS se révèle être une comédie foldingue, pop, au ton légèrement blasé, générant rires francs et soupirs tout aussi spontanés d’admiration. Michelle Pfeiffer n’a jamais été aussi classe ni aussi grande que sous le regard respectueux du gentleman Burton. Et celui-ci est parvenu à dépeindre d’une manière subtile et particulièrement émouvante les ravages d’un père démissionnaire sur un fils innocent et idéaliste. Mais survient le hic : l’antagoniste des Collins, Angélique Bouchard, accessoirement sorcière ayant damné Barnabas dont elle était amoureuse, s’avère l’un des personnages les plus agaçants du microcosme burtonien. Pas facile à porter pour une actrice (Eva Green) qui n’a que les frêles épaules de la jeunesse. A fortiori, qu’elle partage des scènes de sexe masochiste avec son ancien amant, ou qu’elle attaque, tous maléfices dehors, notre famille dysfonctionnelle, cette Bouchard convoque une frénésie névrotique fatigante. Ce qui se traduit à l’image par une mise en scène foutraque et, dès lors que le surnaturel s’incruste, par des effets visuels du pire… effet. L’hommage au vieux soap dont DARK SHADOWS s’inspire n’excuse pas la ringardise générale et le croquignolet, même si le syndrome ne touche qu’une partie limitée du film. L’humour, la tendresse et la beauté d’un tournage en studio en font, eux, une œuvre vraiment racée.
De Tim Burton. Avec Johnny Depp, Michelle Pfeiffer, Bella Heathcote. États-Unis. 1h53. Sortie le 9 mai
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