IT COMES AT NIGHT : chronique

27-06-2017 - 14:06 - Par

IT COMES AT NIGHT : chronique

L’Amérique réapprivoise le potentiel social et politique de son cinéma d’horreur. Une bonne nouvelle.

Un vieillard agonise, sa fille le rassure. Son beau-fils et son petit-fils l’achèvent et y mettent le feu. C’est ainsi qu’on éradique le mal dans IT COMES AT NIGHT, film de virus. Paul (Joel Edgerton), Sarah son épouse (Carmen Ejogo) et Travis leur fils (Kelvin Harrison Jr.) ne font pas de sentiment quand il faut se protéger de la maladie qui a réduit l’Amérique à une terre de désolation. Quand Will (Christopher Abbott) rentre par effraction chez eux pour trouver de l’eau, ils s’interrogent : faut-il l’accueillir, lui, sa femme (Riley Keough), leur fils et leurs vivres ? À plusieurs, est-on vraiment plus forts ? Terrés chez eux, Paul et les siens sont le jouet permanent de la paranoïa. Peut-être moins Travis qui, à 17 ans, a un regard plus naïf sur le monde. Et IT COMES AT NIGHT se raconte souvent à travers cet adolescent, au visage démoli quand il regarde les cadavres brûler. En plus d’être un film d’horreur et un psychodrame familial, le film de Trey Edward Shults est donc aussi un coming of age movie perverti, où le passage à un âge adulte effrayant se fait dans la douleur. La fin de l’innocence est là, au détour des portes fermées de ce grand chalet, filmé comme un manoir gothique. Lumières expressionnistes et mouvantes… Les rares sources d’éclairage du film sont souvent diégétiques mais Shults peut aussi aller piocher dans le fantastique pour plonger son décor dans le noir monstrueux. La géographie des lieux n’est pas claire : ainsi, nos sens sont d’autant plus en éveil. Shults nous force à regarder et écouter attentivement. Son style est précis et lapidaire. Quand Shults filme un visage de face, il le scrute comme une boîte à mystère. Qu’y a-t-il vraiment dans la tête de ceux qui survivent ? Jusqu’où sont-ils allés pour être encore là ? Un mensonge, petit, insignifiant, une voix qui chevrote, un regard insistant : tout peut faire dérailler la situation. Et si cette Amérique retranchée se trompait d’ennemi ? IT COMES AT NIGHT est un film-énigme où les motifs des personnages sont interprétables à l’envi. Cette manière de multiplier les grilles de lecture et de laisser au spectateur le soin d’élucider une grande partie des intentions, c’est peut-être la seule et unique limite de ce thriller d’horreur. Peut- être Shults aurait-il gagné à clarifier son propos ; sa fin, abrupte et absconse, peut avoir un goût d’inachevé. Mais, parce que tout dans sa facture, sa structure, son opiniâtreté, sa détermination respire un niveau d’engagement inouï, il force à la réflexion. Le film ne s’illumine pas de lui- même : c’est à retardement, quand il a mûri en nous, que IT COMES AT NIGHT devient très grand.

De Trey Edward Shults. Avec Joel Edgerton, Kelvin Harrison Jr., Carmen Ejogo. États-Unis. 1h37. Sortie le 21 juin

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