UNE VIE CACHÉE : chronique

11-12-2019 - 09:06 - Par

UNE VIE CACHÉE : chronique

Un paysan autrichien refuse de prêter allégeance à Hitler : la fusion parfaite entre le Malick pré et post-TREE OF LIFE.

 

Qu’est-ce qu’un chef-d’œuvre ? Revenons à la définition : pièce maîtresse, œuvre de toutes les œuvres. En ce sens, UNE VIE CACHÉE est bien le chef-d’œuvre de Terrence Malick. Maîtrisé et syncrétique, il déploie une ligne claire qui épouse et fait corps avec son sujet. Comme si après quelques années de brouillons, le réalisateur avait enfin trouvé l’équilibre entre le romanesque incarné de ses débuts et la liturgie expérimentale de ses films plus récents. Il réussit avec UNE VIE CACHÉE à fusionner le concret et le spirituel pour offrir une puissante expérience de beau. Tous ses tropismes sont là : des enfants qui courent, le soleil, Dieu, l’amour dans la Nature, la cruauté, l’abandon de Dieu, les adresses à la nature… Mais ici, ils sont ancrés au cœur du récit à travers les voix et regards de deux amoureux. Le film a l’Histoire comme garde fou et oblige Malick à poser son regard sur les hommes plus que sur les symboles. Objecteur de conscience dans l’Autriche sous domination nazie, Franz Jägerstätter n’aspirait qu’à vivre hors de l’Histoire, dans son village au-dessus des nuages. Malick filme le quotidien de cet homme et de sa femme Fani, leur labeur, sans l’enjoliver, pour ce qu’il est : un paradis qui s’ignore. On pense à la famille de TREE OF LIFE mais le curseur est plus subtil, plus délicat et retiens l’emphase. Par petits effets, Malick capture l’incursion de l’Histoire dans ce monde jusqu’alors protégé. Le film se glace, la mise en scène s’inquiète. La douceur laisse place à la raideur. Franz refuse de retourner faire une guerre qu’il ne comprend pas. Cette prise de position est une épiphanie. Se positionner dans l’Histoire est une question de foi et Malick de repenser son christianisme à l’aune des faits et de leurs conséquences. En refusant de porter allégeance à Hitler, Franz ne cherche pas à être un symbole. Il fait juste un acte de foi. L’humanisme comme religion. Toute la dernière partie ne sera alors qu’une effroyable Passion pour Franz et Fani. Vaut-il mieux subir l’injustice que de la commettre ? Par une succession de discussions Malick interroge la résignation et la certitude de Franz. Dans les montagnes, Fanni affronte le regard des autres. Le film construit ainsi une correspondance entre les deux amoureux – les voix off se superposent, s’interrogent – sans être verbeux ou didactique car toujours nuancé, sublimé par une caméra virtuose et des acteurs prodigieux. Avec eux, Malick fond le romanesque et le métaphysique en un creuset brut d’émotion, un récit profond et essentiel. Une expérience pure d’Humanité et de beauté. Un chef-d’œuvre, donc.

De Terrence Malick. Avec August Diehl, Valerie Pachner, Matthias Schoenaerts. États-Unis / Allemagne. 2h53. Sortie le 11 décembre

5EtoilesRouges

 

 

 

 

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