WAVES : chronique

28-01-2020 - 14:45 - Par

WAVES : chronique

Foisonnant d’images, de musique et de drama, ce WAVES stimule les sens et l’intellect. Parfois jusqu’à écoeurement.

 

Ses mouvements de caméra, sa mise en scène, sa construction palindromique manifestent sûrement d’une sur-intellectualisation de WAVES. Tout a été réfléchi par Trey Edward Shults pour faire passer ce bouillon émotionnel pour un geste spontané. Du calcul ? Du cynisme ? Au contraire, il y a presque du génie dans la mécanique du film, un génie brinquebalant, qui rappelle – toutes proportions gardées – les maladresses de Richard Kelly. Le réalisateur de SOUTHLAND TALES, nerd en pétard, plaquait de manière erratique ses névroses à l’écran ; le cinéma de Trey Edward Shults, lui, cache ses insécurités derrière la brutalité. KRISHA et IT COMES AT NIGHT en écrans de fumée, le réalisateur révèle avec WAVES un rapport paradoxal au contemporain, utilisant à parts égales les outils de la vulgarité, de la poésie et de la politique pour en révéler la complexité émotionnelle. C’est le bordel.

C’est pour autant très attachant. Plein de drames adolescents, de rapports tordus au père ou à la réussite matérielle dans les familles afro-américaines. De la tragédie au bonheur absolu, WAVES dévore la vie comme si son réalisateur la découvrait. La série EUPHORIA, dont WAVES pourrait clairement être le petit copieur si leurs tournages n’avaient pas été concomitants, affiche un propos plus choc sur l’adolescence d’aujourd’hui. Sam Levinson est plus mordant, plus sulfureux que Trey Edward Shults qui a, pourtant lui aussi, un regard aiguisé sur la place du masculin en Amérique. La violence, la toxicité, l’excellence, tout ça dézingué par une démonstration de force esthétique. Le personnage de Tyler (Kelvin Harrison Jr.) est élevé par cette Amérique viriliste. C’est un bon garçon pourtant : lutteur émérite, ses aptitudes physiques sont son passeport pour l’université. Mais le jour où son épaule flanche, c’est l’équilibre de la famille entière qui faiblit et avec ça, l’autorité des hommes de la maison. C’est la première histoire que nous raconte Trey Edward Shults, dans une variété de formats (pas forcément justifiée), d’un scope très élégant au 1:33. Ensuite, quand Tyler ne fait plus partie du paysage (pour des raisons qu’on taira), sa sœur (la révélation Taylor Russell) peut alors déployer son potentiel, elle qui n’avait qu’une place de figurante. Le film devient plus doux, plus dans l’émotion, véritable ode au féminin. Le pardon, la compassion prennent le contrôle, et les mêmes audaces visuelles d’avant passent moins en force. WAVES se répond à lui- même avec un sentimentalisme désarmant. Il conquiert par sa démarche, son honnêteté et des images fortes qui restent en tête longtemps.

De Trey Edward Shults. Avec Kelvin Harrison Jr., Sterling K. Brown, Taylor Russell. États-Unis. 2h15. Sortie le 29 janvier

3Etoiles

 

 

 

 

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