THE HARDER THEY FALL : chronique

02-11-2021 - 16:43 - Par

THE HARDER THEY FALL : chronique

Dans le respect du genre, tout en changeant certaines règles, Jeymes Samuel – dont c’est ici le premier long-métrage – réalise un western moderne et atypique, enlevé et ludique. Un plaisir.

 

Le jeune Nat Love est témoin de l’assassinat de ses parents par Rufus Buck, un bandit qui, avant de partir de la scène de crime, le scarifie sur le front. Devenu adulte, épaulé par son gang, Nat part à sa recherche pour assouvir sa vengeance. Justement, les compères de Buck l’ont libéré des mains des autorités, le criminel et sa bande ayant des ambitions politiques et financières dans une ville du Far West. THE HARDER THEY FALL ne s’intéresse qu’à la population noire qui peuplait la région à l’époque, les Blancs étant relégués à un microcosme bourgeois et littéralement délavé à la chaux. Ce n’est pas la moindre des irrévérences imaginées par Jeymes Samuel pour moquer les codes immuables du western, genre très protégé par les puristes. Fatigué que soit perpétuée l’invisibilisation des Noirs chez les cowboys – alors que l’Amérique reconnaît de plus en plus la présence massive d’Afro-américains dans l’Ouest –, le réalisateur imagine le western par le prisme inverse, en réduisant les Blancs à de la figuration, terrorisés par les cowboys ou les entrepreneurs qui n’auraient pas la même couleur de peau et revendiqueraient leur autonomie. Le message est circonscrit à une longue scène de braquage de banque et ne peut en aucun cas résumer l’identité de THE HARDER THEY FALL, jamais obnubilé par la politique. Le film est au contraire obsédé par le cinéma-cinéma avec ses héros romanesques et tendres, de Nat Love (charismatique Jonathan Majors à qui le costume de cowboy va comme un gant) à Jim Beckworth (joué par un R.J. Cyler souriant et séduisant) en passant par la puissante Mary (interprétée avec finesse par Zazie Beetz) et la drôle de Cuffe (Danielle Deadwyler, belle surprise) ; et ses méchants vraiment méchants – convaincant bestiaire de salopards joué par Idris Elba, Regina King et Lakeith Stanfield. Dans des courses poursuites endiablées ou lors de gun-fights flamboyants, chacun tient son rôle avec un sens du jeu époustouflant et un plaisir communicatif pour la fiction. Mis en scène avec précision, THE HARDER THEY FALL ne s’embarrasse pas des prérequis du genre. Pas de lumière poussiéreuse, pas de bâtiment délabré, pas de banjo suranné : persuadé qu’Hollywood a créé une image du western avec un point de vue blanc, moderne et paternaliste sur cette lointaine époque, Jeymes Samuel oppose une iconographie alternative où la musique (du reggae, du dub et du hip-hop) serait moderne et la photographie et le production design, luxuriants et rutilants. Déclarer sa flamme au western, c’est d’abord pour Jeymes Samuel lui permettre d’exister autrement, au risque de diviser. Cette forme iconoclaste n’empêche pas les sentiments et l’émotion, en atteste un pur dénouement de cinéma que bien des films, pourtant sérieux comme la mort, lui envieraient. 

De Jeymes Samuel. Avec Jonathan Majors, Idris Elba, Zazie Beetz. États-Unis. 2h16. Sur Netflix le 3 novembre

4Etoiles

 

 

 

 

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