MANY SAINTS OF NEWARK : chronique

02-11-2021 - 16:43 - Par

MANY SAINTS OF NEWARK : chronique

David Chase imagine l’une des innombrables histoires de la mythologie SOPRANO. En suivant Dickie Moltisanti, celle-ci raconte en creux la jeunesse de Tony.

 

La nostalgie est constitutive du récit de gangsters. Du « d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé d’être un gangster » des AFFRANCHIS au « Je me dis que la grande époque est terminée » du pilote des SOPRANO, le mafieux, dont le présent est une source d’argent et d’emmerdes, dont le futur est incertain, idéalise son passé, comme un bon vieux conservateur. Alors quand David Chase remonte le temps des SOPRANO, c’est pour se souvenir d’un temps où les mafieux créaient en temps réel et sans être conscients d’eux-mêmes, une mythologie qui serait racontée, digérée et donc modernisée ensuite par le cinéma. Du mythe, il en est aussi question pour son héros : Dickie Moltisanti, sujets d’histoires et de souvenirs pendant les 86 épisodes de la série, planant comme une icône spectrale, père biologique de Christopher, père de substitution de Tony. Tony et Chris, une histoire qui part en eau de boudin, l’un achevant l’autre après un accident de voiture. Ainsi MANY SAINTS OF NEWARK est-il raconté depuis l’au-delà par Chris qui a transcendé les lieux et le temps. Nous sommes en 1967 dans le New Jersey, Dickie est un ponte du crime organisé. Son père (Ray Liotta) rentre d’Italie, la sublime Giuseppina à son bras (Michela De Rossi) et Dickie, déjà marié, va en tomber raide dingue. Embourbé dans des affaires sentimentales et familiales compliquées, il va aussi vouloir initier Tony aux magouilles en même temps que l’un de ses collaborateurs, Harold (Leslie Odom Jr.), va vouloir se départir de son joug. Condensés en un film de deux heures, le portrait de la toxicité de ces Italo-américains, fats de leur soif de pouvoir, trouve un souffle nouveau, bien que celui de la série, étiré dans le temps, avait plus d’ambition. Dickie, personnage respecté mais bercé d’illusions, possède tout le charme de son interprète Alessandro Nivola et est aussi complexe que la palette de jeu très étendue du comédien lui permet. Comme James Gandolfini avant lui, mais sans sa flamboyance ni sa puissance d’ogre, Nivola incarne un personnage qu’on aime mais qui dévisse soudain vers une violence inattendue et déchaînée. De l’idéalisation du passé, il n’y a que les jolies Italiennes, un vague rêve américain, mais le code d’honneur et la solidarité familiale ne sont pas si parfaits. Plus classique que LES SOPRANO, MANY SAINTS OF NEWARK, prequel impeccable, donne un contexte à l’enfance de Tony (formidable Michael Gandolfini, digne fils de), une base à sa relation compliquée à Chris et « justifie » son parcours jusqu’à la tête de la mafia. Il y a aussi, même si le ton est moins amusant, des clins d’œil à la série, de quoi la remettre en perspective et rejouer le roman de Tony. C’est un plaisir de fiction, un plaisir de fan (avant tout) et surtout un éclatant film de gangsters, un vrai. 

D’Alan Taylor. Avec Alessandro Nivola, Michael Gandolfini, Ray Liotta. États-Unis. 2h. En salles le 3 novembre

4Etoiles

 

 

 

 

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